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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/288

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soit pas fait, et c’est une grande consolation pour moi de penser que je ne mourrai pas votre débiteur, — je parle seulement en fait d’argent ; car je vous dois beaucoup à vous, et à mon bon ami le général, pour toutes les marques de bonté que vous m’avez toujours prodiguées.

— Ne parlons point de cela, mon bon André. Je sais que mon père donnerait de grand cœur la meilleure de ses propriétés, pour que vous fussiez sur pied, robuste et bien portant, comme vous étiez il n’y a que vingt minutes.

— Eh bien ! je le crois, mon garçon ; car j’ai toujours trouvé le général plein de soins et d’attentions pour moi. Il faut, Mordaunt, que je vous apprenne un secret que je n’ai encore révélé à âme qui vive, mais qu’il est inutile de garder plus longtemps, et que j’aurais été disposé à vous apprendre bien plus tôt, si le général ne s’y était pas opposé.

— Vous vous fatiguez, mon ami, remettez cette confidence à un autre moment. Tâchez de dormir ; un peu de repos vous ferait grand bien.

— Non, non, mon garçon, le sommeil et moi nous n’aurons plus rien à démêler ensemble, avant que je fasse mon grand somme ! Je sens trop bien que ma blessure est mortelle, et que mon heure viendra bientôt. Néanmoins, je n’ai aucune peine à parler, et de vrais amis ne doivent pas se quitter pour si longtemps sans se dire un mot d’adieux. C’est d’ailleurs de votre père que j’ai à vous parler, et j’ai besoin de me décharger un peu le cœur, voyez-vous ; cela me fera du bien. Vous savez que je n’ai jamais entendu grand’chose à l’arithmétique, et je ne sais vraiment pas pourquoi ; car mon grand-père était un calculateur des plus distingués ; mais, quoi qu’il en soit, je n’ai jamais pu me débrouiller avec les chiffres ni avec les figures ; et le secret que je dois enfin vous apprendre, Mordaunt, c’est que, sans votre père, je n’aurais pu conserver six semaines mon brevet de capitaine. Voyant qu’il m’était impossible de sortir de mes comptes, il m’offrit de tenir pour moi les écritures de la compagnie, et, pendant sept longues années et plus que nous fûmes ensemble, il n’y manqua pas un seul jour. Et c’est que ces écritures-là faisaient l’admiration de tous ceux qui les voyaient ; on ne pouvait