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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/290

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comme il me plairait. Tout à coup je me sentis tiré par la manche, et je vis Laviny qui, cachée dans l’ombre de la maison, cherchait à attirer mon attention. Elle était sortie depuis quelque temps, sans doute pour écouter ce qui se disait.

— Ne songez pas à vous aventurer loin de la maison, murmura-t-elle à mon oreille. Le malin esprit a pris possession de Tobit, et il vient de jurer que le même tombeau vous renfermerait, vous, le porte-chaîne et Ursule. — « La tombe ne parle point, » dit-il. Je ne lui ai jamais vu l’air aussi farouche qu’aujourd’hui, quoiqu’il ne soit rien moins qu’endurant, une fois qu’il est en colère.

La jeune fille passa rapidement devant moi, dès qu’elle m’eut jeté ces mots à la hâte ; et, l’instant d’après, elle était à côté d’Ursule, prête à l’aider dans les soins que pourrait réclamer le blessé. Je vis qu’on n’avait pas fait attention à son absence, et je me mis alors à examiner ma position avec plus de soin. La nuit était complète, et l’on ne se serait pas reconnu à vingt pas. Je me croyais certain que le groupe de jeunes gens que j’avais vu contenait le formidable Tobit ; mais je ne pouvais m’en assurer sans m’approcher davantage ; ce que je n’étais nullement tenté de faire, attendu que je n’avais nulle envie de parler pour le moment à personne de la famille. Si les squatters avaient pu lire dans mon cœur, ils n’auraient eu aucune inquiétude que je songeasse à m’échapper ; car, sans parler d’Ursule, dont pour rien au monde je ne me serais éloigné, jamais je n’aurais pu abandonner le porte-chaîne à ses derniers moments.

C’était naturellement près de la maison que les ténèbres étaient le plus épaisses ; et je me glissai le long du mur, jusqu’à l’extrémité du bâtiment, persuadé que personne ne m’observait. Mais j’acquis l’assurance que mes mouvements étaient surveillés ; car un des jeunes squatters me cria de ne point m’éloigner hors de vue, sous peine de la vie. C’était assez clair, et il en résulta un court dialogue entre nous, dans lequel je déclarai que j’étais décidé à ne point abandonner mes amis ; que le porte-chaîne ne passerait sans doute pas la nuit ; et que, pour moi, je ne craignais rien ; — j’avais la tête en feu ; je n’étais sorti un moment que pour prendre l’air ; s’ils n’y mettaient point obstacle, je me