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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/329

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air de doute. Tobit et ses frères ne me pardonneraient jamais, si cette offre cachait quelque piège pour les arrêter.

— Tobit et ses frères n’ont à craindre aucune trahison de ma part. Ne savez-vous pas ce que vaut la parole d’un homme d’honneur ?

— Il suffit, major, je me fie à vous, et l’on ira chercher le bateau à l’endroit que vous indiquez. Que Dieu vous récompense de cette bonne action, et accomplisse vos plus chers désirs ! Nous ne nous reverrons jamais. — Adieu.

— Vous allez rentrer, et passer du moins la nuit dans une des habitations ?

— Non, je vous quitte ici. Les maisons ne renferment plus rien que j’aime, et je serai plus heureuse dans les bois.

— La nuit est froide, et vous allez souffrir cruellement, pauvre femme !

— Il fait plus froid dans cette tombe, répondit Prudence en montrant tristement de son long doigt décharné le monticule de terre qui recouvrait les restes de son mari. Je suis accoutumée à la forêt, et il faut que j’aille rejoindre mes enfants. La mère qui est séparée de ses enfants n’est arrêtée ni par le froid ni par le vent. Adieu donc, major Littlepage. Merci encore une fois !

— Mais vous oubliez votre fille. Que va-t-elle devenir ?

— Laviny s’est prise de passion pour Ursule Malbone, et tout son désir est de rester avec elle, tant que celle-ci voudra bien la garder. Quand elles seront lasses l’une de l’autre, ma fille saura bien me trouver. Ce n’est pas un de mes enfants qui se livrerait sans succès à une pareille recherche.

Je n’avais plus d’objections à faire. Prudence agita la main en signe d’adieu, et elle s’éloigna à travers la sombre clairière, du pas allongé d’un homme. Bientôt elle s’enfonça dans l’ombre des bois avec aussi peu d’hésitation qu’un autre fût entré dans l’avenue conduisant à une grande ville. Jamais je ne la revis.

Comme je rentrais, Jaap et Sans-Traces revenaient de leur excursion. Leur rapport fut complètement satisfaisant. Ils avaient suivi les traces des squatters jusqu’à une très-grande distance, et ne les avaient point aperçus. Il était évident que les fils de Mille-Acres avaient pris leur parti, et qu’ils avaient quitté pour