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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/332

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une seule parole ; et, après la cérémonie, Priscilla me dit que c’était le premier convoi funèbre qu’elle eût accompagné. Il en était de même de ma mère et de mes sœurs. Je mentionne cette circonstance, de peur que quelque antiquaire, dans quelques mille ans d’ici, ne vienne à tomber sur ce manuscrit, et ne se méprenne sur nos usages. Depuis quelques années, on juge convenable, dans la Nouvelle-Angleterre, de déroger à cette coutume comme à beaucoup d’autres ; mais dans toutes les familles respectables de l’État de New-York, aucune femme, même aujourd’hui, n’assiste aux funérailles. Je crois qu’en cela nous suivons l’usage de l’Angleterre, où ce n’est que parmi le peuple que les femmes se montrent dans des cérémonies semblables. Je ne tire point les conséquences, je me borne à mentionner le fait.

Toutes nos dames suivirent donc le convoi du porte-chaîne. Je venais derrière Tom et Priscilla, et je sentis le bras de Kate qui venait se poser doucement sur le mien. Elle le pressa tendrement, comme pour m’exprimer tout le plaisir qu’elle éprouvait à me voir sain et sauf, hors des mains des Philistins. Le reste des parents et des amis se rangea à la suite, et dès que l’Indien vit que tout le monde était placé, il se mit lentement en marche, tenant sa torche assez haut pour éclairer ceux qui se trouvaient auprès de lui.

L’ordre avait été donné d’avance de creuser une fosse pour André dans le verger, à peu de distance de l’extrémité des rochers. C’était un endroit où s’était passé, à ce qu’il paraît, un des événements les plus mémorables de la vie du général ; événement dans lequel Jaap et Susquesus avaient joué tous deux un rôle important. Nous nous y rendîmes lentement et en bon ordre, à la lueur des torches qui jetaient leur clarté lugubre sur cette scène. Jamais cérémonie religieuse ne m’avait paru si imposante. La voix de mon père avait une gravité, une onction toute particulière. Les prières furent récitées, non pas machinalement, mais avec un sentiment de piété remarquable ; car le général n’était pas seulement l’ami intime du défunt, c’était un fervent chrétien.

J’éprouvai un vif serrement de cœur, lorsque la première pel-