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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/333

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letée de terre tomba sur le cercueil du porte-chaîne ; mais la réflexion me rendit plus calme, et, de ce moment, Ursule me devint doublement chère. Je sentais qu’elle devait retrouver en moi les soins et l’attachement de son oncle, et que c’était un devoir sacré pour moi de le remplacer auprès d’elle. Ursule ne laissa pas échapper un seul sanglot pendant toute la cérémonie ; sans doute ses larmes coulèrent abondamment, mais en silence et elle eut assez d’empire sur elle-même pour contenir sa douleur. Nous restâmes tous autour de la fosse jusqu’à ce que Jaap l’eût remplie entièrement et eût formé le tertre qui devait la recouvrir. Alors le cortège se réunit de nouveau pour accompagner Frank et Ursule jusqu’à la porte de la maison, où elle entra seule ; nous restâmes en dehors. Cependant Priscilla Bayard se glissa après son amie, et à la clarté du feu de la cheminée, je les vis, par la fenêtre du parloir, entrelacées dans les bras l’une de l’autre. Un instant après, elles se retirèrent dans la petite chambre qu’Ursule avait choisie pour elle.

Je pus enfin alors m’occuper de mes chers parents, et je me jetai dans les bras de ma mère, qui me tint longtemps embrassé, les yeux baignés de larmes, en m’appelant son cher, son bien cher enfant. Mes sœurs me prodiguèrent aussi les plus tendres caresses. Ma grand-mère, qui était derrière elles, me demanda d’un air de reproche si je l’oubliais, et elle se dédommagea de venir la dernière, en me retenant plus longtemps dans ses bras. Elle protesta que j’étais de plus en plus tout le portrait des Littlepage, et elle ne se laissait pas de remercier Dieu de m’avoir tiré sain et sauf de cet affreux guet-apens. La tante Mary m’embrassa avec son afflection ordinaire.

Le colonel Follock vint me serrer la main. — Savez-vous, mon garçon, me dit notre vieil ami, que le général officie admirablement ? J’ai toujours dit que Corny Littlepage eût fait un excellent ministre. Il est vrai qu’alors nous aurions eu un excellent militaire de moins. C’est un homme extraordinaire, Mordaunt, et je vous prédis qu’un jour il sera gouverneur.

Le colonel avait beaucoup d’ambition pour mon père. Il répétait sans cesse qu’il n’y avait rien d’assez bon pour son ami, et