Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cation et de bonne famille, chassés de votre pays par les troubles politiques. Cela étant, je ne puis vous regarder comme des colporteurs ordinaires. Je sais ce que c’est que d’être frappé par la fortune, et je puis sentir pour ceux qui souffrent. La voix de ma grand’mère tremblait un peu lorsqu’elle disait ces mots.

— Matame, il beut y afoir peaucoup de férité dans cela, répondit mon oncle en se découvrant et en saluant en vrai gentilhomme ; nous afons fu de meilleurs chours, et mon fils, ici présent, a été éduqué dans une université. Mais nous être pauvres marchands de montres et musiciens de rues.

Ma grand’mère se montra, comme toute femme comme il faut, en pareille circonstance, pas assez libre pour oublier les apparences extérieures, ni assez indifférente pour ne pas tenir compte du passé. Elle nous fit entrer dans la maison, et nous apprit que l’on préparait une table pour nous, et nous fûmes traités avec une hospitalité généreuse et réservée qui n’était pas en désaccord avec son rang et son sexe.

En même temps, mon oncle faisait ses affaires. Il reçut ses cent dollars, et tous les objets de valeur, bagues, boucles d’oreilles, chaînes, bracelets, etc., qu’il destinait à faire des cadeaux à ses pupilles, furent mis en évidence et placés sous les beaux yeux des trois demoiselles, Mary Warren se tenant à distance, comme quelqu’un qui ne doit pas contempler des choses au-dessus de sa fortune. Son père était arrivé cependant, avait été consulté, et déjà la montre était attachée à la ceinture de la jeune fille. Je pensai que la larme de reconnaissance qui brillait encore dans ses yeux calmes, était un joyau de bien plus grand prix que tous ceux que pouvait étaler mon oncle.

On nous avait introduits dans la bibliothèque placée sur le devant de la maison, les fenêtres donnant sur le portique. Je fus d’abord assez ému en me trouvant ainsi, inconnu, après tant d’années d’absence, sous le toit paternel et dans une demeure qui m’appartenait. L’avouerai-je ? toutes choses me parurent petites et mesquines auprès des bâtiments que j’avais été accoutumé à voir dans le vieux monde. Je n’établis pas ici de comparaison avec les palais des princes ou les demeures des grands, comme l’imagine toujours un Américain chaque fois que l’on cite quelque chose de supérieur à ce qu’il voit habituellement, mais seulement avec le style, des habitations et les habitudes de la vie domestique chez les Euro-