Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après le lui avoir promis, nous nous mîmes en route vers le bâtiment qui, dans le langage familier du pays, était appelé, par abréviation, Nest. La distance de la ferme à la maison était d’environ un demi mille, les terres dépendantes de la résidence paternelle s’étendant sur presque tout l’intervalle qui séparait les deux bâtiments.

Toutes choses autour de la maison étaient tenues dans un ordre parfait, qui faisait honneur à l’énergie et au goût de ma grand’mère, laquelle avait présidé à tout depuis plusieurs années, c’est-à-dire depuis la mort de son mari. Cette bonne tenue et la grandeur des bâtiments, qui étaient de plus belle apparence que la plupart des autres constructions du pays, avaient, plus que toute autre chose, contribué à faire considérer Ravensnest comme une « résidence aristocratique ». Du reste, je m’aperçus à mon retour que ce mot « aristocratique » avait pris une signification très-étendue, qui dépendait absolument des habitudes et des opinions de ceux qui l’employaient. Ainsi, celui qui chique trouve très-aristocrate celui qui pense que c’est une sale habitude ; l’homme courbé accuse celui qui se tient droit d’avoir des épaules aristocratiques ; et j’ai réellement rencontré un individu qui soutenait que c’était excessivement aristocratique de ne pas se moucher avec ses doigts. Bientôt il sera aristocratique de soutenir la vérité de l’axiome latin de gustibus non disputandum.

Au moment où nous approchions de la porte de la maison, qui ouvrait sur un portique disposé sur trois côtés du bâtiment principal, le cocher dirigeait ses chevaux vers les écuries. Les dames avaient, en quittant la ferme, pris un long détour, et n’étaient arrivées qu’une minute avant nous. Toutes les jeunes personnes excepté Mary Warren, étaient entrées dans la maison, fort indifférentes de l’approche des deux colporteurs ; elle cependant restait à côté de ma grand’mère pour nous recevoir.

— Je crois, sur mon âme, me dit à l’oreille mon oncle, que ma chère bonne mère a un pressentiment sur notre véritable caractère, d’après le respect qu’elle nous témoigne. Mille remercîments, matame, mille remercîments, reprit-il dans son jargon, bour l’honneur que fous nous vaites ; la fame d’une si crande maison defoir pas nous attendre à sa borte.

— Cette jeune personne me dit qu’elle vous a vus auparavant, et qu’elle a appris de vous que vous étiez des gens de bonne édu-