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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/78

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Pendant ce temps, mon oncle ayant choisi dans la collection un joli cachet en or pur surmonté d’une topaze, l’offrit d’un air gracieux à Mary Warren. J’examinai avec anxiété la fille du ministre, pour voir quel serait l’effet de cette galanterie, doutant et espérant à chaque changement que je voyais dans la belle et naïve contenance de celle à laquelle l’offre était faite. Mary rougissait, souriait, semblait embarrassée, et je craignis un instant de la voir hésiter. Mais je dois m’être trompé ; car elle recula et, d’un air plein de grâce, elle refusa d’accepter le présent. Je devinai alors que ce qui causait son embarras, c’est qu’Opportunité avait fait tout le contraire ; sans quoi, elle aurait pu ajouter quelques mots pour motiver son refus. Heureusement pour elle toutefois, elle avait affaire à un homme comme il faut et intelligent. Quand l’offre avait été faite, mon oncle Ro ignorait le véritable caractère du père et de la fille ; il ne savait même pas qu’il était en présence du recteur de Saint-André à Ravensnest. Puis les manières de Mary le désabusèrent de l’erreur que lui avait fait concevoir son intimité avec Opportunité, et il recula avec un tact parfait, saluant et s’excusant de façon, en vérité, à trahir son déguisement. Il n’en fut rien cependant ; car M. Warren, avec un sourire qui indiquait également sa satisfaction de la conduite de sa fille, et sa reconnaissance de la libéralité du prétendu colporteur, et avec une simplicité qui prouvait sa bonhomie, se tourna vers moi et me pria de lui donner un air de ma flûte que je tenais à la main.

Si j’ai quelque talent, c’est, sans contredit, en musique, et surtout dans le jeu de la flûte. En cette occasion, je ne fus pas au-dessous de moi-même, et j’exécutai deux ou trois airs des meilleurs maîtres, avec autant de soin que si j’avais joué dans un salon de Paris. Je pus voir que Mary et son père étaient tous deux surpris de l’exécution : la première paraissait enchantée. Nous passâmes, ensemble un très-agréable quart d’heure, et nous aurions pu en passer deux, si Opportunité n’avait pas jugé à propos de se mettre à chanter, mais non sans avoir auparavant invité Mary à se joindre à elle. Celle-ci ayant refusé, la sœur de Sénèque se lança, toute seule, et nous régala successivement de trois romances. Je ne veux pas m’arrêter à caractériser la musique ou les paroles ; ce que je puis dire, c’est que l’exécution répondait au choix des morceaux.

Comme il était convenu que nous voyagerions tous dans le