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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/191

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l’Anse-Mignonne un mouvement inaccoutumé, et quelque chose en miniature de la vie d’un port de mer. La pinasse revenait de l’île Rancocus, chargée du reste de la cargaison. Il ne restait en arrière que deux chèvres qu’on avait laissées sur les montagnes. Bigelow était au nombre des passagers, de sorte que la petite colonie du Pic se trouvait alors au grand complet.

Mais Bob avait une nouvelle à communiquer qui fit faire de sérieuses réflexions au gouverneur. Lorsque la pinasse était chargée, et qu’on n’attendait plus que le moment favorable pour appareiller, on s’était aperçu qu’une flottille de canots et de catamarans s’avançait vers l’île Rancocus. Elle venait évidemment des îles de Betto. Bob, à l’aide d’une lunette, avait reconnu un certain Waally à bord du canot principal, ce qui n’était pas d’un bon augure ; car ce Waally était l’antagoniste le plus redoutable d’Ooroony ; et pour qu’il fût à la tête d’une pareille escadre, il fallait qu’il eût eu le dessus sur l’honnête Betto, et qu’il méditât quelque sinistre entreprise.

Assuré de ce fait, Bob avait aussitôt pris le large et mis à la voile. Il n’avait pas à craindre qu’au plus près surtout, aucune embarcation des naturels pût gagner la pinasse de vitesse, et il manœuvra pendant une heure autour de la flottille, pour faire ses observations avant de s’éloigner. C’était évidemment une expédition de guerre, et Bob crut remarquer que deux hommes blancs en faisaient partie ; ils avaient une partie de l’accoutrement des sauvages, et étaient dans le même canot que le terrible Waally. Il n’était pas rare que des matelots fussent jetés sur les îles disséminées dans l’océan Pacifique, et c’était de ces rencontres auxquelles on était habitué. La présence de ces hommes n’annonçait rien de bon, et il sentit qu’il était urgent de les dérouter à tout prix. Au lieu donc de mettre dehors au vent de l’île, ce qui était sa route, il gouverna dans la direction presque contraire, ayant soin seulement de se tenir éloigné de la côte, afin de n’être point pris de calme sous les rochers ; car il savait bien que les canots avec leurs pagaïes l’auraient vite rejoint, s’il venait à perdre le vent.