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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/238

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hommes déjeunaient sous la tente, près du chantier ; les femmes en faisaient autant dans leurs quartiers ; quelques-uns se trouvaient encore sur le Cratère et sur le bâtiment. On se souviendra que la tente était dressée près de la source, non loin du pont, et que le pont joignait le Récif à une île, d’une vaste étendue ; après les changements que l’éruption y avait apportés, c’était là que les porcs prenaient leurs ébats. Quant au pont, il était formé de deux longues planches du bâtiment, le passage n’ayant que cinquante à soixante pieds de largeur.

Le gouverneur prenait rarement son repas avec tout son monde. Il connaissait trop bien la nature humaine pour ignorer que l’autorité interdit une trop grande familiarité. Ainsi, il n’est rien de plus déplaisant que de se trouver à table avec des gens de manières grossières. Brigitte, par exemple, ne pouvait guère manger avec les femmes des matelots, et Marc, naturellement, aimait à prendre ses repas en famille. Ce jour-là il avait déjeuné, comme d’ordinaire, dans la cabine du Rancocus ; il descendait à la tente afin de veiller à ce que ses compagnons, le déjeuner fini, reprissent leur travail. À peine venait-il de donner ses ordres, que l’air fut rempli de cris effrayants, et qu’une bande de sauvages, débouchant par un creux du rocher, sur le Parc aux Porcs, accourut vers le Cratère. Ils avaient suivi le canal et s’étaient glissés le long des rochers, se trouvant à deux cents verges environ de l’endroit qu’ils voulaient attaquer.

Le gouverneur conserva un sang-froid admirable dans cette circonstance. Il donna ses ordres avec calme, clarté et rapidité. Appelant Bigelow et Jones par leur nom, il leur ordonna de retirer le pont, ce qui était facile, à cause de roues qui avaient été disposées dans ce but. Le pont une fois tiré, les colons avaient le canal entre eux et les insulaires, bien que les naturels de la mer du Sud eussent pu facilement traverser l’eau à la nage. Les guerriers de Waally ne soupçonnaient l’existence ni du pont, ni du canal ; ils coururent vers le chantier, et leur désappointement se traduisit par de nouveaux cris, lorsqu’ils se trouvèrent séparés des blancs par un bras de mer. Naturellement, ils cher-