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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/149

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y laisse exposée un moment, dans la compagnie de celui qui était le sujet de notre entretien.

— Capitaine Polwarth, dit Agnès en rougissant un peu, je suis sûre que vous abandonneriez la moitié des espérances d’avancement que peut vous donner la guerre, pour savoir de quelle manière nous avons parlé de vous en votre absence. Mais je ne satisferai pas votre curiosité ; qu’elle vous serve de stimulant pour des faits plus glorieux que ceux qui vous ont occupé aujourd’hui.

— J’espère que Lincoln m’a rendu justice, dit le capitaine toujours de bonne humeur, et qu’il n’a pas oublié de vous dire que j’ai empêché son excellent coursier de tomber entre les mains des rebelles.

— Entre les mains de qui, Monsieur ? s’écria Agnès en fronçant les sourcils ; comment appelez-vous les braves habitants de la baie de Massachusetts ?

— Je crois que j’aurais dû dire les habitants exaspérés du pays. Ah ! miss Agnès, j’ai souffert aujourd’hui ce que jamais homme n’a souffert auparavant, et tout cela à cause de vous.

— À cause de moi ? Cela demande une explication, capitaine Polwarth.

— Impossible, miss Agnès ; il y a des sentiments et des actions qui partent du cœur et qui n’admettent aucune explication. Tout ce que je sais, c’est que j’ai souffert pour vous aujourd’hui plus que je ne puis l’exprimer, et ce qui est inexprimable est en grande partie inexplicable.

— Je me rappellerai cela comme ce qui se passe régulièrement dans certains tête-à-tête, à ce que je comprends. L’expression d’une chose inexprimable ! Certainement le major Lincoln avait quelque raison pour croire qu’il me laissait à la merci de ma crédulité.

— C’est vous calomnier vous-même, belle Agnès, dit Polwarth en cherchant à prendre un air de tendresse ; vous n’avez ni merci ni crédulité, sans quoi vous m’auriez cru, et vous auriez eu pitié de moi depuis longtemps.

— La compassion, dit Agnès en baissant les yeux et en affectant un air d’embarras, n’est-elle pas une sorte… une espèce… en un mot, la compassion n’est-elle pas un symptôme évident d’une certaine maladie ?