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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/214

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À peine avait-il prononcé ces mots, que chaque peloton anglais fit feu l’un après l’autre, et des décharges de mousqueterie s’élevèrent en même temps du fond du verger. La colline en fut un instant éclairée ; mais les Américains n’en restaient pas moins immobiles sans brûler une seule amorce, et les troupes royales continuèrent à avancer, et disparurent bientôt dans les nuages de fumée blanchâtre dont leur feu seul avait couvert la colline.

— De par le ciel, ils sont matés ! ces terribles provinciaux sont matés, s’écria de nouveau le gai compagnon de Lionel, et Howe est à deux cents pas d’eux, sans avoir perdu un seul homme !

Dans cet instant une clarté subite apparut à travers la fumée, comme l’éclair qui sillonne la nue, et une détonation terrible, produite par plus de mille mousquets tirés à la fois, annonça que les Américains étaient enfin sortis de leur longue inaction. À cette explosion soudaine, à cette décharge affreuse, faite presque à bout portant, Lionel crut voir, et ce n’était pas tout à fait un jeu de son imagination, le nuage de fumée qui s’était élevé l’instant auparavant s’ébranler et revenir en arrière, comme si les soldats exercés qui l’entouraient étaient refoulés malgré eux, quoiqu’on ne pût distinguer leurs mouvements ; mais le moment d’après, le cri de guerre inspirateur, poussé par des milliers de voix, et apporté jusqu’à ses oreilles à travers le détroit, malgré l’affreux tumulte du combat, annonça qu’ils n’avaient pas perdu courage et qu’ils étaient retournés à la charge. Dix minutes d’anxiété et d’attente, et les spectateurs réunis sur Copp’s-Hill continuaient à dévorer des yeux le lieu de l’action, lorsque une voix cria tout à coup au milieu d’eux :

— Hurra ! hurra ! que ces chiens d’Habits-Rouges essaient encore d’escalader Breed’s-Hill ; le peuple leur apprendra la loi !

— Jetons cet infâme rebelle dans le détroit ! s’écrièrent dix soldats à la fois.

— Mettons-le à la bouche d’un canon et envoyons-le rejoindre ses dignes amis, s’écrièrent plusieurs autres.

— Arrêtez ! dit Lionel ; c’est un pauvre imbécile, un fou, un idiot !

Mais déjà ce mouvement de fureur s’était apaisé, et tous les yeux s’étaient reportés sur la colline, où l’uniforme éclatant des