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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/278

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Le jeune homme ne balança pas plus longtemps, mais il répondit avec une vivacité qu’on n’aurait pas attendue de son cerveau malade :

— Job ira, si vous voulez lui permettre d’acheter quelque nourriture pour Nab avec le restant de la pièce.

— Certainement ; achetez tout ce que vous voudrez, et de plus, je vous promets que ni vous, ni votre mère, vous ne manquerez désormais ni de nourriture, ni de vêtements.

— Job a faim, dit l’idiot ; mais on dit que la faim ne fait pas encore tant de mal à un jeune estomac qu’à un vieux. Croyez-vous que le roi sache ce que c’est que d’avoir froid et faim ?

— Je n’en sais rien, mon ami, mais je suis sûr que s’il rencontrait un être souffrant comme vous, il s’empresserait de le soulager. Allez vite, et ne manquez pas de vous procurer quelques aliments.

Quelques minutes après, Lionel vit Job sortant de la maison où il avait couru par son ordre, et rapportant la lanterne désirée.

— Avez-vous trouvé à acheter quelque chose pour apaiser votre faim ? dit Lionel en faisant signe à Job de le précéder avec la lumière ; j’espère que vous ne vous êtes pas oublié, dans votre empressement à me servir ?

— Job espère qu’il n’a pas gagné la peste, dit l’idiot en dévorant avec voracité une petite tranche de pain.

— Gagné quoi ? Qu’espérez-vous n’avoir pas gagné ?

— La peste ; ils ont tous la maladie contagieuse dans cette maison.

— Vous voulez dire la petite vérole, Job ?

— Oui ; les uns l’appellent petite vérole, et les autres la maladie contagieuse ; mais son vrai nom, c’est la peste. Le roi peut empêcher les denrées d’entrer à Boston, mais il ne saurait empêcher le froid et la peste d’y pénétrer. Que le peuple se trouve une fois maître de la ville, il saura ce qu’il aura à faire, et il aura bientôt renvoyé tout cela à la maison des pestiférés.

— J’espère que, sans le savoir, je ne vous aurai pas exposé au danger, Job ; je regrette de n’avoir pas fait ma commission moi-même, car, dans mon enfance, j’ai été inoculé pour cette terrible maladie.

Job ne répondit rien ; il avait épuisé tout ce que son faible esprit lui inspirait à ce sujet, et ils continuèrent à marcher jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus au bout de la place ; alors Job se