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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/294

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d’empressement que, dans son innocente confiance, elle n’en mettait ordinairement à répondre à d’aussi touchants appels. Cette contrainte secrète ne dura cependant qu’un instant ; car lorsqu’elle sentit les bras caressants de Mrs Lechmere qui la pressaient vivement sur son sein, elle leva sur elle ses yeux baignée de douces larmes, comme pour la remercier de tant d’affection.

— Maintenant, major Lincoln, vous possédez mon plus grand, je pourrais dire mon unique trésor, s’écria Mrs Lechmere ; elle s’est montrée la plus tendre et la plus soumise des filles ; le ciel l’en bénira, comme je la bénis moi-même. Se penchant en avant, elle ajouta d’une voix plus calme : Embrassez-moi, ma Cécile, ma jolie mariée, ma petite lady Lincoln ! car c’est un titre que je puis vous donner à présent, puisque dans l’ordre de la nature il sera bientôt le vôtre.

Cécile, choquée d’entendre sa grand’mère tenir un pareil langage, et se permettre des démonstrations de joie si peu mesurées se dégagea doucement de ses bras, et les yeux fixés à terre, les joues brûlantes, elle fit quelques pas en arrière pour laisser Lionel approcher du lit, et recevoir sa part de félicitations. Il se baissa, malgré sa répugnance secrète, pour poser ses lèvres sur la joue flétrie que lui présentait Mrs Lechmere, et murmura quelques paroles sur son bonheur actuel, et sur la reconnaissance qu’il lui devait. Malgré l’air de triomphe presque révoltant qui avait remplacé les manières ordinairement froides et réservées de la malade, la nature ne fut pas entièrement étrangère à l’expression que prit sa voix en parlant à Lionel ; un certain attendrissement se peignit dans ses yeux, et une larme y brilla furtivement.

— Lionel, mon neveu, mon fils, s’écria-t-elle, je me suis efforcée de vous recevoir d’une manière digne du chef d’une famille ancienne et respectable ; mais seriez-vous un prince souverain, que je ne pourrais pour vous plus que ce que je viens de faire. Aimez-la, chérissez-la ; soyez pour elle plus qu’un époux ; tenez lieu de tout à cette enfant adorée. Maintenant mes plus ardents désirs sont accomplis ; maintenant, dans le calme paisible d’une longue soirée qui succède à des jours remplis de troubles et d’ennuis, je puis me préparer doucement au grand et dernier changement qui couronne la vie.

— Femme ! dit une voix terrible qui retentit dans le fond de la chambre, tu te trompes toi-même !