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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/391

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Elle fut de nouveau interrompue par Ralph, qui rentra dans la chambre de ce pas silencieux qui, joint à sa vieillesse et à sa maigreur, donnait quelquefois à ses mouvements et à son aspect le caractère d’un être dont les attributs étaient supérieurs à ceux de l’humanité. Il portait sur le bras un surtout et un chapeau que Cécile reconnut sur-le-champ pour appartenir à l’inconnu qui l’avait accompagnée pendant toutes les vicissitudes d’une nuit si fertile en événements.

— Voyez ! dit Raph en montrant ces dépouilles avec un sourire expressif, voyez sous combien de formes la liberté se montre pour aider ses adorateurs ! Voici le déguisement sous lequel elle veut maintenant être courtisée. Couvrez-vous-en, jeune homme, et vous êtes libre.

— Ne le croyez pas ! ne l’écoutez pas ! lui dit Cécile à demi-voix en s’éloignant de Ralph avec terreur. Je me trompe, écoutez-le, mais agissez avec précaution.

— Hésites-tu à recevoir le don sacré de la liberté ? demanda Ralph ; veux-tu rester ici pour braver la justice courroucée du chef des Américains, pour faire de ta femme d’un jour une veuve pour un siècle ?

— À quoi me servira ce vêtement ? demanda Lionel. Pour me soumettre à la dégradation d’un déguisement, il faudrait du moins que je fusse sûr du succès.

— Jeune homme, tourne tes regards orgueilleux sur cette image de l’innocence et de la terreur qui est à ton côté. Pour l’amour de celle dont la destinée est enchaînée à la tienne, si ce n’est par égard pour toi-même, prends la fuite à l’instant et pourvois à ta sûreté. Une minute de plus, et il sera peut-être trop tard.

— N’hésitez pas davantage, Lincoln, s’écria Cécile changeant d’opinion aussi promptement que l’impulsion qu’elle recevait était forte ; fuyez, laissez-moi ; mon sexe, mon nom, seront…

— Jamais ! répondit Lincoln en repoussant avec un froid dédain les vêtements que Ralph lui offrait ; je vous ai abandonnée une fois, quand la mort venait de se choisir une victime, mais il faudra qu’elle me frappe moi-même avant que je vous abandonne encore !

— Je vous suivrai. Je vous rejoindrai.

— Vous ne vous séparerez pas, dit Ralph en déployant le surtout et en le plaçant sur les épaules de Lincoln, qui resta passif,