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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/47

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sait que nous autres habitants des colonies, nous sommes portés à prendre les mots dans leur plus grande extension, et à compter nos cousins jusqu’à des degrés presque aussi éloignés que si nous étions membres de quelque clan écossais. À propos de clans, cela me rappelle la rébellion de 1745. Ne pense-t-on pas en Angleterre que nos fous de colons seront assez hardis pour prendre sérieusement les armes ?

— Les opinions varient sur ce point, dit Lionel. La plupart des militaires rejettent dédaigneusement cette idée, quoiqu’il se trouve des officiers qui ont servi sur le continent, et qui pensent que non seulement l’appel sera fait, mais que la lutte sera sanglante.

— Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? s’écria tout à coup Agnès Danforth ; ils sont hommes, et les Anglais ne sont rien de plus.

Lionel tourna les yeux avec quelque surprise sur la jeune enthousiaste, qui avait dans ce moment même un air de douceur et en même temps de finesse qui ne semblait pas d’accord avec ces paroles, et il sourit en répétant ses propres expressions.

— Pourquoi ne le feraient-ils pas, demandez-vous ? Mais je n’en vois d’autre raison que parce que ce serait un acte de folie et en même temps de rébellion. Je puis vous assurer que je ne suis pas de ceux qui affectent de déprécier mes compatriotes, car vous vous rappellerez que je suis aussi Américain.

— J’ai entendu dire pourtant, reprit Agnès, que ceux de nos volontaires qui portent un uniforme le portent bleu, et non pas d’écarlate.

— Sa Majesté désire que son 47e régiment d’infanterie porte cette couleur éclatante, reprit Lionel en riant ; quant à moi, je consentirais volontiers à l’abandonner aux dames pour en adopter une plus modeste, si cela était possible.

— Cela est très-possible, Monsieur.

— Et comment donc, s’il vous plaît ?

— En donnant votre démission.

Il était évident que Mrs Lechmere avait eu quelque motif pour permettre à sa nièce de s’expliquer si librement ; mais voyant que son hôte ne montrait pas cet air piqué que les officiers anglais sont souvent assez faibles pour ne pas dissimuler lorsque les femmes prennent la défense de l’honneur de leur pays, elle tira le cordon de la sonnette en disant :

— Voilà un langage bien hardi pour une jeune personne qui