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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/115

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absent, mais il lui fut impossible de trouver l’endroit dont il avait besoin. Cependant la prière continua, et avant qu’elle fût termine Richard reparut, et tout en s’avançant dans la salle, sans faire de bruit, il fit les réponses d’un ton qui n’annonçait d’autre inquiétude que celle de ne pas être entendu. Il apportait une petite caisse d’environ huit pouces de hauteur, qu’il plaça devant M. Grant pour lui servir de marche-pied, car l’idée qui l’avait frappé était qu’il convenait que le ministre ne fût pas placé au même niveau que le reste de l’auditoire, et il reprit sa place assez à temps pour prononcer d’une voix très-sonore : Amen.

La longue expérience de M. Grant lui avait donné tout ce qui était nécessaire pour remplir avec succès la tâche qu’il s’était imposée. Il connaissait parfaitement le caractère de ses auditeurs, qui par leurs habitudes étaient presque un peuple primitif, et qui, dans leurs opinions religieuses, ayant, pour la plupart, un penchant décidé pour les distinctions subtiles de la scolastique, voyaient avec inquiétude, et même avec mécontentement, le secours temporel des rites s’introduire dans leur culte purement spirituel. Le ministre devait une grande partie de ses connaissances à l’étude qu’il avait faite du grand livre de la nature, ouvert à tous ceux qui veulent le lire ; et sachant combien il est dangereux de lutter contre l’ignorance, au lieu de prendre un ton magistrat et dictatorial, il ne faisait entendre que le langage de la raison et de la persuasion. Son orthodoxie ne dépendait pas de son habit. Il pouvait prier ; avec autant de foi que de ferveur, sans l’assistance de son clerc, si les circonstances l’exigeaient ; et il avait même prêché plus d’une fois un sermon très-évangélique, sans avoir besoin du secours d’un mouchoir de batiste.

En cette occasion, il accorda quelque chose aux préjugés de ses auditeurs, et quand l’office fut terminé, il y en eut pas un qui ne pensât que, quoique M. Grant fût attaché à une Église qui admettait des formes dans son culte, cependant le cérémonial blessait moins ses idées qu’il ne l’avait pensé. Richard trouva donc en lui ce soir un puissant coopérateur pour ses projets.

M. Grant, dans son sermon, tâcha de tenir un juste milieu entre les doctrines mystiques de ces sublimes systèmes de croyance qui jettent tous les jours ceux qui les adoptent dans les plus absurdes contradictions, et ces instructions didactiques qui abaisseraient notre divin Sauveur au niveau d’un professeur de