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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/106

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— Elle a été contre mes ordres, répondit Ismaël avec un regard de froid mépris qui montrait combien peu il était affecté de l’humeur mal déguisée de ses enfants ; — contre mes ordres, entendez-vous ? Prenez garde, vous, que le mal ne se propage pas.

— Il faudrait traiter un homme autrement que cette pauvre fille qui pleure !

— Asa, vous êtes un homme, comme vous le répétez souvent : mais rappelez-vous que je suis votre père et votre maître.

— Je le sais, et quel père !

— Écoute, jeune insensé. Je suis plus d’à moitié sûr que c’est à ton exacte vigilance que nous devons la visite des Sioux. Soyez donc réservé dans vos propos, mon fils, qui savez si bien tenir vos yeux ouverts, ou vous pourriez avoir à répondre des malheurs que votre imprudence a attirés sur nous.

— Je ne resterai pas plus longtemps pour être sermonné comme une jeune fille. Vous parlez de la loi comme si vous n’en reconnaissiez aucune, et cependant vous me tenez à l’attache, comme si je n’avais pas aussi des besoins à satisfaire et une vie à soutenir. Je ne resterai pas plus longtemps pour être traité comme le dernier de vos bestiaux.

— Le monde est grand, mon brave garçon, et il y a plus d’une belle plantation sur sa surface qui est sans habitants. Allez, vous avez vos titres à la main. Il est peu de pères qui dotent mieux leurs enfants qu’Ismaël Bush ; c’est une justice que vous pourrez du moins me rendre, lorsque vous serez à la fin de votre voyage.

— Regardez, mon père ! regardez ! s’écrièrent plusieurs voix à la fois, comme si elles saisissaient avidement l’occasion d’interrompre un entretien qui menaçait de devenir encore plus animé.

— Regardez ! répéta Abiram d’une voix creuse et avec un accent expressif ; voyez si vous avez du temps à perdre en vaines querelles, Ismaël !

Le vieillard détourna lentement les yeux de dessus le fils qui l’avait offensé, et les leva encore chargés de ressentiment dans la direction que lui indiquait Abiram ; mais du moment qu’il eut aperçu l’objet qui attirait alors l’attention de tous ceux qui l’entouraient, ils n’eurent plus qu’une expression, celle de l’étonnement et de la stupeur.

Une femme était debout à la place même qu’Hélène venait de quitter avec tant de frayeur. Elle était de la plus petite taille qui semble compatible avec la beauté, et que les poëtes et les artistes