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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/107

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semblent choisir de préférence lorsqu’ils veulent peindre une jolie femme. Une robe de soie noire flottait autour d’elle, et de longues tresses de cheveux, encore plus noirs que la robe, tantôt l’enveloppaient presque tout entière en retombent sur ses épaules, et tantôt se jouaient dans l’air au gré du vent. La hauteur et la distance empêchaient d’examiner en détail des traits qui, autant qu’on en pouvait juger, étaient gracieux et expressifs, et qui, dans le moment de son apparition inattendue, semblaient porter l’empreinte d’une vive émotion. On ne pouvait douter que cet être délicat et faible ne fût d’une extrême jeunesse, si même elle était entièrement sortie de l’enfance. Une petite main délicate et bien était pressée contre son cœur, tandis que, de l’autre, elle faisait un geste expressif qui semblait inviter Ismaël, s’il méditait encore quelque acte de violence, à le diriger contre son sein.

Le muet étonnement avec lequel les émigrants regardaient un spectacle si extraordinaire, ne fut interrompu qu’au moment où Hélène sortit de la tente avec une timidité marquée, comme si, partagée également entre les craintes qu’elle éprouvait pour elle-même et celles qu’elle ressentait pour sa compagne, elle ne savait si elle devait rester cachée ou avancer. Elle parla, mais ses paroles n’arrivèrent pas jusqu’à ceux qui étaient en bas, et celle à qui elles semblèrent adressées ne parut y faire aucune attention. Cependant comme si elle croyait en avoir fait assez en appelant sur elle le ressentiment d’Ismaël, et en s’offrant comme victime, l’inconnue se retira alors avec calme, laissant les spectateurs stupéfaits douter presque si ce qu’ils venaient de voir n’était pas quelque apparition surnaturelle.

Il continua à régner un profond silence, et les fils du squatter avaient toujours les yeux fixés avec un étonnement stupide sur la cime du roc. Se regardant ensuite les uns les autres comme pour s’interroger, ils reconnurent, à leur surprise mutuelle, que pour eux du moins, l’apparition de celle qui semblait habiter le pavillon était aussi inattendue qu’elle était inexplicable. À la fin, Asa, en sa qualité d’aîné, et cédant aussi peut-être à un reste d’humeur, suite de la querelle qu’il venait d’avoir, se chargea des fonctions d’interrogateur. Mais au lieu de braver le ressentiment de son père, dont il connaissait trop bien le caractère inflexible pour espérer d’en tirer quelque éclaircissement, il se tourna vers Abiram, qu’il était plus facile d’intimider, et prenant un air de sarcasme :