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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/118

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étranger, mais je suppose que vous montez un cabinet de curiosités[1].

— Ah ! c’est encore une de leurs infamies ! s’écria le Trappeur. Ils tuent le daim, le chevreuil, le chat sauvage, tous les animaux qui habitent les forêts, et ensuite ils les bourrent de chiffons, et, leur mettant des yeux de verre dans la tête, ils disent : Regardez, voilà les créatures du Seigneur ! comme si, avec tous leurs pitoyables artifices, ils pouvaient jamais égaler l’ouvrage de sa main !

— Je vous reconnais, dit le docteur sur lequel les plaintes du vieillard ne parurent faire aucune impression ; je vous reconnais parfaitement, répéta-t-il en serrant cordialement la main de Paul ; ce fut une semaine bien heureusement employée, ainsi que mon herbier et mes cartons l’attesteront un jour à l’univers. Oui, je me rappelle parfaitement vos traits, jeune homme. Vous êtes de la classe mamwalie ; ordre, primates ; genre, homo ; espèce, Kentucky.

Il s’arrêta une instant pour sourire d’une plaisanterie dans laquelle il semblait se complaire ; puis il ajouta :

— Depuis notre séparation j’ai fait de longs voyages, ayant conclu un arrangement ou traité avec un certain Ismaël…

— Bush ! ajouta Paul avec son impatience ordinaire, de par le ciel ! Trappeur, c’est la lettre de sang dont Hélène m’a parlé.

— Pour le coup, cette chère Nelly ne m’a pas rendu justice, dit le docteur préoccupé ; je ne suis nullement de l’école phlébsotomisante, préférant infiniment la méthode de purifier le sang, au lieu de le tirer.

— Vous avez mal compris, elle rend une entière justice à votre adresse.

— Elle a beaucoup trop d’indulgence pour moi, reprit le docteur Battius en baissant la tête d’un air d’humlilité : c’est une bonne et tendre fille que cette Hélène, une fille qui a du caractère en même temps. Je n’ai jamais vu de plus charmante enfant !

— En vérité ! s’écria Paul en laissant retomber l’os qu’il

  1. La chasse aux abeilles n’est pas rare dans cette contrée, quoiqu’elle soit un peu embellie ici. Lorsqu’on voit plusieurs abeilles sucer les fleurs, on essaie d’en prendre une ou deux ; ou choisit alors un lieu convenable, et on en laisse échapper une, elle prend aussitôt son vol vers la ruche, changeant de terrain en s’éloignant ou se rapprochant. Suivant les circonstances, le chasseur d’abeilles permet à l’autre de s’échapper. Ayant surveillé la course des abeilles, qui est appelée habituellement doublure, il lui est possible de calculer l’angle des deux lignes qu’elles décrivent : c’est là qu’est la ruche.