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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/119

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s’amusait à sucer pour retarder le moment où il lui faudrait se séparer de la bosse favorite, et en jetant un regard menaçant sur l’innocent docteur ; auriez-vous, par hasard, le dessein de comprendre Hélène dans la collection des curiosités que vous voulez emporter ?

— Me préserve le ciel de vouloir faire le moindre mal à cette chère enfant ! Pour toutes les richesses du monde, animal et végétal réunis, je ne lui couperais pas un cheveu de la tête ! J’ai pour Hélène ce qu’on pourrait appeler amor naturalis, ou plutôt paternus, l’affection d’un père.

— En effet, cela convient mieux à votre âge, reprit Paul d’un air railleur ; que ferait un vieux bourdon auprès de si gentille abeille ?

— Il y a de la raison dans ce qu’il dit, observa le Trappeur, parce que ce qu’il dit est dans la nature. — Mais vous disiez donc que vous demeuriez dans le camp d’un nommé Ismaël Bush ?

— Il est vrai, c’est en vertu d’un compact…

— Qu’il y ait compact ou non, je vous dirai, moi, que j’ai été témoin de la manière dont les Sioux se sont glissés dans votre camp, et ont enlevé au pauvre homme que vous appelez Ismaël tous ses troupeaux…

Asinus excepté, murmura le docteur qui mangeait alors très-tranquillement sa part de bosse, sans s’inquiéter davantage de ses attributs domestiques ; — asinus domesticus americanus excepté.

— Je suis bien aise d’apprendre qu’il y en ait autant de sauvés, quoique je ne connaisse pas les animaux que vous nommez, ce qui n’est pas étonnant, depuis si longtemps que je vis loin des habitations. Mais pourriez-vous me dire ce que le voyageur garde de si précieux sous la toile blanche, dont il défend l’entrée en montrant des dents aussi menaçantes que le loup qui dispute la carcasse que le chasseur a laissée dans la forêt ?

— Vous en avez entendu parler ? s’écria le naturaliste en laissant tomber, dans l’excès de sa surprise, le morceau qu’il portait à sa bouche.

— Moi, je n’ai rien entendu ; mais j’ai vu la toile, et j’ai failli être mordu pour avoir voulu savoir ce qu’elle contenait.

— Mordu ! alors il faut, après tout, que l’animal soit carnivore. Il est trop tranquille pour l’ursus horridus ; si c’était le canis latrans, ses aboiements le trahiraient. Et d’ailleurs, Nelly Wade ne serait pas si familière avec un individu quelconque du genre ferœ. Véné-