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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/161

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les champs, mes filles ? dit la mère tremblante et respirant à peine au moment où elle entrait dans la chambre. Remerciez Dieu, mes enfants ; jusqu’ici les efforts des sauvages ont été inutiles, et nous sommes encore les maîtres de notre habitation.

— Pourquoi la nuit est-elle si rouge ? Viens ici, mère, et tu pourras voir dans le bois comme à la clarté du soleil.

— Les païens ont incendié nos greniers, et tu vois la lueur des flammes, mais heureusement ils ne peuvent mettre le feu à notre maison tant que ton père et les jeunes gens en défendent l’entrée. Nous devons être reconnaissantes de cette sécurité, quelque légère qu’elle soit. Tu t’es agenouillé devant Dieu, ma fille, et tu n’as pas oublié de prononcer le nom de ton père et celui de ton frère dans tes prières ?

— Je vais encore le faire, maman, murmura la petite fille en ployant les genoux et cachant son visage dans les vêtements de sa mère.

— Pourquoi cacher ton visage ? Un être aussi jeune et aussi pur que toi peut lever ses yeux vers le ciel avec confiance.

— Ma mère, je vois l’Indien lorsque je ne me cache pas le visage : il me regarde, je crains qu’il n’ait le désir de nous faire du mal.

— Tu es injuste envers Miantonimoh, ma fille, répondit Ruth en jetant un regard autour d’elle pour chercher le jeune sauvage qui s’était modestement retiré dans un coin de la chambre. Je l’ai laissé près de toi afin qu’il soit ton protecteur, et non pas comme quelqu’un qui pourrait te faire du mal. Maintenant, prie Dieu, ajouta Ruth en imprimant un baiser sur le front de sa fille qui était froid et blanc comme le marbre, et confiez-vous à sa bonté. Miantonimoh, je te laisse de nouveau avec ces enfants, afin que tu sois leur protecteur. Avant de prononcer ces paroles, Ruth s’était avancée vers le jeune captif.

— Ma mère ! s’écria la petite fille d’une voix déchirante, viens à moi, ou je meurs !

Ruth se retourna avec la vivacité que donne l’instinct. Un seul regard lui apprit le péril de son enfant. Un sauvage nu, basané, de haute taille, hideux par les peintures guerrières qui couvraient son corps, tournait dans une de ses mains la chevelure blonde et soyeuse de l’enfant, tandis que de l’autre il tenait une hache brillante au-dessus de la jeune tête qui semblait dévouée à la mort.