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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/162

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— Miséricorde ! miséricorde ! s’écria Ruth glacée d’horreur et tombant à genoux autant par faiblesse que pour demander la vie de sa fille. Monstre, frappe-moi, mais épargne cette enfant !

Les yeux de l’Indien s’arrêtèrent sur celle qui lui parlait, mais avec une expression annonçant qu’il comptait le nombre de ses victimes, plutôt qu’il ne changeait de résolution. Avec un calme qui annonçait la malice d’un démon et qui prouvait une grande science dans l’art de la cruauté, il enleva une seconde fois l’enfant tremblante, mais qui ne pouvait plus proférer une parole, et il se prépara à lui porter le coup fatal. Le tomahawk avait déjà tracé un cercle dans l’air. Un instant allait décider du sort de la victime, lorsque le captif se présenta en face de l’effrayant acteur de cette scène horrible. Par un rapide mouvement de son bras le coup fut arrêté. Une exclamation gutturale qui exprimait la surprise sortit de la poitrine du sauvage ; son bras menaçant retomba et l’enfant avec lui. Le regard et le geste du jeune captif avaient exprimé l’autorité plutôt que le ressentiment ou l’horreur. Son visage était calme, recueilli et imposant.

— Va, dit-il, dans le langage de la race farouche à laquelle il appartenait, les guerriers des hommes pâles t’appellent par ton nom.

— La neige est rougie par le sang de nos jeunes gens, répondit le sauvage ; et pas une chevelure n’est à la ceinture de mon peuple.

— Elles m’appartiennent, répondit le captif avec dignité, en dirigeant sa main de manière à prouver que sa protection s’étendait sur toutes celles qui étaient présentes.

Le guerrier regarda autour de lui d’un air sombre, et comme quelqu’un qui n’est qu’à moitié convaincu. Il avait couru un danger trop imminent en pénétrant dans l’intérieur des fortifications pour être facilement détourné de son dessein.

— Écoute, dit-il après un moment de silence, pendant lequel on avait entendu un coup de canon, le tonnerre est avec les Yengeeses. Nos jeunes squaws regarderont d’un autre côté et nous appelleront Pequots, si nous n’avons point de chevelure à notre ceinture.

Pendant un instant le visage du jeune captif changea d’expression, et sa résolution parut chanceler. Le guerrier qui observait ses yeux avec anxiété saisit de nouveau la victime par les cheveux, lorsque Ruth s’écria dans l’angoisse du désespoir :