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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/173

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sit sa fille pour l’emporter ; les yeux tournés vers l’horrible combat qui se livrait derrière elle, elle serra son enfant contre son cœur et prit la fuite en criant à Whittal Ring de les suivre. Le jeune idiot obéit, et avant que Ruth eût à moitié traversé la cour, l’étranger, tenant toujours le sauvage comme un bouclier entre lui et ses ennemis, prit la même direction. Les hurlements, le sifflement des flèches et la décharge de la mousqueterie annonçaient l’étendue du danger. Mais la crainte avait prêté des ailes à Ruth et donné une vigueur surnaturelle à ses membres ; les flèches elles-mêmes ne fendaient pas l’air avec plus de rapidité qu’elle n’en mit à pénétrer dans la forteresse ; Whittal Ring fut moins heureux. Comme il traversait la cour portant l’enfant confié à ses soins, il fut atteint d’une flèche ; exaspéré par la douleur, l’idiot se détourna en colère pour punir la main qui l’avait frappé.

— Avance, jeune fou, cria l’étranger en passant près de lui, et se servant toujours du corps du sauvage comme d’un bouclier. Avance, au nom de ta propre vie et de celle de l’enfant.

Cet ordre vint trop tard. La main d’un Indien était déjà sur l’innocente victime, et un instant plus tard elle était suspendue dans les airs, et la hache aiguisée voltigeait au-dessus de sa tête. Une balle partie des meurtrières étendit le sauvage mort sur la place. La petite fille fut aussitôt saisie par une autre main. Au moment où le vainqueur se précipitait avec sa capture vers les bâtiments enflammés, une exclamation de surprise et d’effroi sortit de la citadelle, où chacun répéta le nom de Miantonimoh ! Deux sauvages, profitant de ce moment d’inaction et d’horreur, se saisirent du blessé Whittal Ring, et l’entraînèrent dans la maison dont ils venaient de se rendre maîtres. Pendant ce temps l’étranger précipita le sauvage, qu’il tenait encore, sur les armes de ses compagnons. L’Indien sanglant fut frappé des coups qui avaient été destinés au brave inconnu ; il chancela, tomba, et son vainqueur disparut dans la citadelle. La porte fut aussitôt fermée, et les sauvages qui se précipitèrent à l’entrée de la forteresse entendirent le bruit des barres de fer qui la défendaient contre leur attaque. Le cri de retraite fut prononcé, et bientôt on ne vit plus dans la cour que le cadavre.