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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/174

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CHAPITRE XV.


— Le ciel, qui a les yeux sur eux, ne prendrait-il pas leur parti ?
— Le ciel les protège maintenant.
ShakspeareMacbeth.



Nous devons être reconnaissants, dit Content en aidant Ruth à demi morte à monter à l’échelle. Et cédant lui-même au sentiment de la nature, il ajouta : — Si nous avons perdu un enfant que nous aimions, du moins Dieu nous conserve notre propre fille.

Sa femme se jeta sur un siège, et serrant son sein contre le trésor qu’elle avait sauvé, elle murmura plutôt qu’elle ne dit : — Du fond de mon âme, Heathcote, je suis reconnaissante !

— Tu caches l’enfant à ma vue, reprit le père en se baissant pour essuyer une larme qui coulait le long de ses joues brunies par le soleil. Mais au moment d’embrasser sa fille il recula, et s’écria d’une voix remplie d’angoisse : — Ruth !

Effrayée par la manière dont son mari prononçait son nom, la mère dérangea les plis de son vêtement qui cachaient encore la petite fille ; et, la prenant dans ses bras, elle s’aperçut que, dans l’horreur de la scène effrayante qui venait de se passer, les enfants avaient été changés, et qu’elle avait sauvé la vie de Martha ! Malgré la générosité des sentiments de Ruth, il lui fut impossible de déguiser l’excès de son chagrin au moment où elle s’aperçut qu’elle s’était trompée. La nature l’emporta.

— Ce n’est pas notre enfant ! s’écria la mère en tenant toujours la petite fille dans ses bras, et regardant cette créature innocente et terrifiée avec une expression que Martha n’avait point encore vue dans des regards ordinairement si doux et si indulgents.

— Je t’appartiens, je t’appartiens aussi ! murmurait la petite fille tremblante, essayant en vain d’atteindre jusqu’au sein sur lequel sa tête avait si souvent reposé. Si je ne suis pas à toi, à qui suis-je donc ?