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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/328

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en appelant par un geste éloquent au goût de quelqu’un qui devait savoir si elle avait bien fait ou non.

— Parfaitement, répondit Whittal en s’approchant de l’objet de son admiration. C’est une magnifique ceinture, et la femme d’un sachem pouvait seule faire un don aussi rare.

La jeune femme croisa doucement ses bras sur sa poitrine, et parut de nouveau satisfaite d’elle-même et du monde entier.

— Il y a ici visiblement la main de l’auteur du mal, dit le Puritain ; corrompre le cœur par les vanités, égarer les affections en les rapportant aux choses de cette vie, c’est un de ses plus grands plaisirs ; une nature déchue ne l’aide que trop dans ses projets ; il faut surveiller cette enfant avec ferveur, où il vaudrait mieux pour nous qu’elle reposât près de ses frères qui sont déjà les héritiers de la promesse.

Ruth garda le silence par respect ; elle s’affligeait de l’ignorance de son enfant ; mais l’amour maternel était fort dans son cœur ; avec le tact d’une femme et la tendresse d’une mère, elle vit que ce n’était pas par la sévérité qu’elle pouvait ramener sa fille à d’autres sentiments. Prenant un siège, elle attira près d’elle Narra-Mattah, et, demandant le silence par un regard qu’elle adressa autour d’elle, guidée par l’influence de la nature, elle essaya de pénétrer les mystères de l’esprit de sa fille.

— Viens près de moi, Narra-Mattah, dit-elle, employant le seul nom auquel sa fille voulait répondre ; tu es encore dans ta jeunesse, mon enfant ; mais il a plu à celui dont les volontés sont des lois de t’avoir rendue témoin de bien des changements dans cette vie. Dis-moi si tu te rappelles les jours de ton enfance ; si tes pensées te ramenaient quelquefois dans la maison de ton père, pendant ces tristes années que tu fus éloignée de nous.

Ruth avait doucement usé de force pour attirer sa fille près d’elle tandis qu’elle parlait ; et Narra-Mattah reprit cette attitude qu’elle venait de quitter, s’agenouillant à côté de sa mère, comme elle avait souvent fait dans son enfance. Ce mouvement était trop plein de tendres souvenirs pour ne pas être accueilli avec reconnaissance, et la jeune femme des forêts eut la permission de garder cette attitude pendant une partie du dialogue qui suivit. Mais tandis qu’elle faisait ainsi un acte d’obéissance physique, ses regards étonnés, qui avaient tant d’éloquence pour exprimer toutes les émotions de son âme, manifestèrent pleinement que les caresses de Ruth et la douceur de ses accents étaient seuls