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Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t4, 1909.djvu/104

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Car, si tard, les bébés sont couchés, d’ordinaire.
L’enfant pleurait, voulant sa nourrice ou sa mère,
Et la petite bonne à fichu campagnard
Le berçait doucement, à côté du billard.
Soudain, par un couloir s’ouvrant dans la tenture,
Reparut devant moi la triste créature
Qui tout à l’heure offrait impudemment sa peau.
Si fanée, en haillons, sans fard, sans oripeau,
Elle prouvait combien la rampe est décevante.
Elle entra vivement, sourit à la servante,
Lui retira des mains le petit avec soin,
Puis, allant s’installer dans le plus sombre coin
Et du côté du mur détournant le visage,
D’une hâtive main elle ouvrit son corsage
Et présenta le sein à l’enfant, qui se tut.

Même dans l’infamie et la honte, salut,
Acte auguste et touchant de la mère-nourrice !
J’ai manqué d’indulgence envers toi, pauvre actrice !

Tu faisais ton métier tout à l’heure. Il fallait
Gagner ton pain pour que ton enfant eût du lait.
Tu le prends où tu peux, ce pain. La gorge obscène
Qu’aux regards libertins tu montrais sur la scène
Est bonne au nourrisson qui tète avec ardeur,
Et la maternité t’a rendu la pudeur.