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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/113

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Soulever contre toi les hommes et les Dieux ;
Ces Dieux qui t’ont flatté, ces Dieux qui m’ont trompée,
Ces Dieux qui dans Pharsale ont mal servi Pompée,
Qui la foudre à la main l’ont pu voir égorger :
1740Ils connoîtront leur faute, et le voudront venger.
Mon zèle, à leur refus, aidé de sa mémoire,
Te saura bien sans eux arracher la victoire :
Et quand tout mon effort se trouvera rompu,
Cléopatre fera ce que je n’aurai pu.
1745Je sais quelle est ta flamme et quelles sont ses forces,
Que tu n’ignores pas comme on fait les divorces,
Que ton amour t’aveugle, et que pour l’épouser
Rome n’a point de lois que tu n’oses briser ;
Mais sache aussi qu’alors la jeunesse romaine
1750Se croira tout permis sur l’époux d’une reine,
Et que de cet hymen tes amis indignés
Vengeront sur ton sang leurs avis dédaignés.
J’empêche ta ruine, empêchant tes caresses.
Adieu : j’attends demain l’effet de tes promesses.


Scène V.

CÉSAR, CLÉOPATRE, ANTOINE, LÉPIDE,
ACHORÉE, CHARMION.
CLÉOPATRE.

1755Plutôt qu’à ces périls je vous puisse exposer,
Seigneur, perdez en moi ce qui les peut causer :
Sacrifiez ma vie au bonheur de la vôtre ;
Le mien sera trop grand, et je n’en veux point d’autre,
Indigne que je suis d’un César pour époux,
1760Que de vivre en votre âme, étant morte pour vous.

CÉSAR.

Reine, ces vains projets sont le seul avantage