Qu’un grand cœur impuissant a du ciel en partage :
Comme il a peu de force, il a beaucoup de soins ;
Et s’il pouvoit plus faire, il souhaiteroit moins.
Les Dieux empêcheront l’effet de ces augures,
Et mes félicités n’en seront pas moins pures,
Pourvu que votre amour gagne sur vos douleurs,
Qu’en faveur de César vous tarissiez vos pleurs,
Et que votre bonté, sensible à ma prière,
Pour un fidèle amant oublie un mauvais frère.
On aura pu vous dire avec quel déplaisir
J’ai vu le désespoir qu’il a voulu choisir ;
Avec combien d’efforts j’ai voulu le défendre
Des paniques terreurs qui l’avoient pu surprendre.
Il s’est de mes bontés jusqu’au bout défendu,
Et de peur de se perdre il s’est enfin perdu.
Oh ! honte pour César, qu’avec tant de puissance,
Tant de soins de vous rendre entière obéissance[1],
Il n’ait pu toutefois, en ces événements,
Obéir au premier de vos commandements !
Prenez-vous-en au ciel, dont les ordres sublimes
Malgré tous nos efforts savent punir les crimes ;
Sa rigueur envers lui vous ouvre un sort plus doux,
Puisque par cette mort l’Égypte est toute à vous.
Qu’on n’en peut accuser que les Dieux et lui-même ;
Mais comme il est, Seigneur, de la fatalité
Que l’aigreur soit mêlée à la félicité,
Ne vous offensez pas si cet heur de vos armes,
Qui me rend tant de biens, me coûte un peu de larmes,
Et si voyant sa mort due à sa trahison,
Je donne à la nature ainsi qu’à la raison.
- ↑ Var. Tant de soins pour vous rendre entière obéissance. (1644-64)