Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est permis de croire que cette réflexion toute naturelle de Voltaire est l’origine d’une anecdote qui figure aujourd’hui dans tous les cours de littérature, et que nous avons trouvée pour la première fois dans l’Esprit du grand Corneille de François de Neufchâteau[1] : « Oui, mon cher Despréaux, disait Molière à Boileau, je dois beaucoup au Menteur. Lorsqu’il parut… j’avois bien l’envie d’écrire, mais j’étois incertain de ce que j’écrirois ; mes idées étoient confuses : cet ouvrage vint les fixer. Le dialogue me fit voir comment causoient les honnêtes gens ; la grâce et l’esprit de Dorante m’apprirent qu’il falloit toujours choisir un héros du bon ton ; le sang-froid avec lequel il débite ses faussetés me montra comment il falloit établir un caractère ; la scène où il oublie lui-même le nom supposé qu’il s’est donné m’éclaira sur la bonne plaisanterie ; et celle où il est obligé de se battre par suite de ses mensonges me prouva que toutes les comédies ont besoin d’un but moral. Enfin sans le Menteur, j’aurois sans doute fait quelques pièces d’intrigue, l’Étourdi, le Dépit amoureux, mais peut-être n’aurois-je pas fait le Misanthrope. — Embrassez-moi, dit Despréaux : voilà un aveu qui vaut la meilleure comédie. »

François de Neufchâteau dit qu’il a tiré cette anecdote du Bolæana ; mais M. Taschereau fait observer qu’il ne l’a trouvée ni dans l’ouvrage de Montchesnay, ni dans les commentaires de Brossette sur Boileau, et nous n’avons pas été plus heureux que lui.

L’édition originale a pour titre : Le Menteur, comedie. À Paris, chez A. de Sommaville. M.DC.XLIV. Auec priuilege du Roy. — Le volume, de format in-4o, forme 4 feuillets et 130 pages. L’achevé d’imprimer est du dernier octobre.


  1. Tome I, p. 149.