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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/172

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CLITON.

315Je parle avec respect.Pauvre esprit !Je le perds
Quand je vous oy parler de guerre et de concerts.
Vous voyez sans péril nos batailles dernières,
Et faites des festins qui ne vous coûtent guères.
Pourquoi depuis un an vous feindre de retour ?

DORANTE.

320J’en montre plus de flamme, et j’en fais mieux ma cour.

CLITON.

Qu’a de propre la guerre à montrer votre flamme ?

DORANTE.

Oh ! le beau compliment à charmer une dame
De lui dire d’abord : « J’apporte à vos beautés
Un cœur nouveau venu des universités ;
325Si vous avez besoin de lois et de rubriques,
Je sais le Code entier avec les Authentiques,
Le Digeste nouveau, le vieux, l’Infortiat[1],
Ce qu’en a dit Jason, Balde, Accurse, Alciat[2] ! »
Qu’un si riche discours nous rend considérables !
330Qu’on amollit par là de cœurs inexorables !
Qu’un homme à paragraphe est un joli galant !
 On s’introduit bien mieux à titre de vaillant :
Tout le secret ne gît qu’en un peu de grimace,
À mentir à propos, jurer de bonne grâce,
335Étaler force mots qu’elles n’entendent pas,

  1. Corneille désigne ici par le mot Authentiques les extraits sommaires des Novelles, qu’on a placés, dans le Code de Justinien, à la suite des constitutions abrogées ou modifiées. — L’école de Bologne avait divisé le Digeste en trois parties, nommées le vieux Digeste, l’infortiat (voyez le Lutrin de Boileau, chant V, vers 203), et le nouveau.
  2. Noms de divers jurisconsultes et professeurs célèbres, dont on étudiait les écrits dans les écoles. François Accurse (Accursius) était de Florence (1151-1239) ; Pierre Balde (Baldus) de Ubaldis (1327-1400), disciple de Bartole, était de Pérouse ; Jason Maino (Jaso Magnus, 1435-1519), et André Alciat (1492-1550), le précurseur de Cujas, étaient tous deux de Milan.