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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/190

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« Depuis quand cette montre ? et qui vous l’a donnée ?
635— Acaste, mon cousin, me la vient d’envoyer,
Dit-elle, et veut ici la faire nettoyer,
N’ayant point d’horlogiers[1] au lieu de sa demeure :
Elle a déjà sonné deux fois en un quart d’heure.
— Donnez-la-moi, dit-il, j’en prendrai mieux le soin. »
640Alors pour me la prendre elle vient en mon coin :
Je la lui donne en main ; mais, voyez ma disgrâce,
Avec mon pistolet le cordon s’embarrasse,
Fait marcher le déclin : le feu prend, le coup part ;
Jugez de notre trouble à ce triste hasard.
645Elle tombe par terre ; et moi, je la crus morte ;
Le père épouvanté gagne aussitôt la porte ;
Il appelle au secours, il crie à l’assassin :
Son fils et deux valets me coupent le chemin.
Furieux de ma perte, et combattant de rage,
650Au milieu de tous trois je me faisois passage,
Quand un autre malheur de nouveau me perdit ;
Mon épée en ma main en trois morceaux rompit.
Désarmé, je recule, et rentre : alors Orphise,
De sa frayeur première aucunement remise,
655Sait prendre un temps si juste en son reste d’effroi,
Qu’elle pousse la porte et s’enferme avec moi.
Soudain, nous entassons, pour défenses nouvelles,
Bancs, tables, coffres, lits, et jusqu’aux escabelles ;
Nous nous barricadons, et, dans ce premier feu,
660Nous croyons gagner tout à différer un peu[2].
Mais comme à ce rempart l’un et l’autre travaille,
D’une chambre voisine on perce la muraille :

  1. Au commencement du dix-septième siècle, on disait indifféremment horloger ou horlogier, et quelquefois horlogeur. Les éditions de 1656 et de 1692 donnent seules horlogers. Voyez le Lexique.
  2. Var. Pensons faire beaucoup de différer un peu.
    Comme à ce boulevard l’un et l’autre travaille. (1644-56)