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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/196

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ALCIPPE.

Eh bien ! puisqu’il vous faut parler clairement,
Depuis plus de deux ans j’aime secrètement ;
745Mon affaire est d’accord, et la chose vaut faite ;
Mais pour quelque raison nous la tenons secrète.
Cependant à l’objet qui me tient sous la loi,
Et qui sans me trahir ne peut être qu’à moi,
Vous avez donné bal, collation, musique ;
750Et vous n’ignorez pas combien cela me pique,
Puisque, pour me jouer un si sensible tour,
Vous m’avez à dessein caché votre retour,
Et n’avez aujourd’hui quitté votre embuscade[1]
Qu’afin de m’en conter l’histoire par bravade.
755Ce procédé m’étonne, et j’ai lieu de penser
Que vous n’avez rien fait qu’afin de m’offenser.

DORANTE.

Si vous pouviez encor douter de mon courage,
Je ne vous guérirois ni d’erreur ni d’ombrage,
Et nous nous reverrions, si nous étions rivaux ;
760Mais comme vous savez tous deux ce que je vaux,
Écoutez en deux mots l’histoire démêlée :
Celle que, cette nuit, sur l’eau j’ai régalée
N’a pu vous donner lieu de devenir jaloux ;
Car elle est mariée, et ne peut être à vous.
Depuis peu pour affaire elle est ici venue,
Et je ne pense pas qu’elle vous soit connue.

ALCIPPE.

Je suis ravi, Dorante, en cette occasion,
De voir finir sitôt notre division[2].

DORANTE.

Alcippe, une autre fois donnez moins de croyance

  1. Var. Jusques à cejourd’hui, que sortant d’embuscade,
    Vous m’en avez conté l’histoire par bravade. (1644-56)
  2. Var. De voir sitôt finir notre division. (1644 et 48)