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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/199

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M’a fait voir trop de cœur pour tant de lâcheté.
La valeur n’apprend point la fourbe en son école :
Tout homme de courage est homme de parole ;
815À des vices si bas il ne peut consentir,
Et fuit plus que la mort la honte de mentir.
Cela n’est point.

PHILISTE.

Cela n’est point.Dorante, à ce que je présume,
Est vaillant par nature et menteur par coutume.
Ayez sur ce sujet moins d’incrédulité,
820Et vous-même admirez notre simplicité :
À nous laisser duper nous sommes bien novices.
Une collation servie à six services,
Quatre concerts entiers, tant de plats, tant de feux,
Tout cela cependant prêt en une heure ou deux,
825Comme si l’appareil d’une telle cuisine
Fût descendu du ciel dedans quelque machine.
Quiconque le peut croire ainsi que vous et moi,
S’il a manque de sens, n’a pas manque de foi.
Pour moi, je voyois bien que tout ce badinage
830Répondoit assez mal aux remarques du page ;
Mais vous ?

ALCIPPE.

Mais vous ?La jalousie aveugle un cœur atteint,
Et sans examiner, croit tout ce qu’elle craint.
Mais laissons là Dorante avecque son audace ;
Allons trouver Clarice et lui demander grâce :
835Elle pouvoit tantôt m’entendre sans rougir.

PHILISTE.

Attendez à demain et me laissez agir :
Je veux par ce récit vous préparer la voie,
Dissiper sa colère et lui rendre sa joie.
Ne vous exposez point, pour gagner un moment,
840Aux premières chaleurs de son ressentiment.