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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/207

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DORANTE.

Certes, vous m’allez mettre en crédit par la ville,
Mais en crédit si grand, que j’en crains les jaloux.

CLARICE.

C’est tout ce que mérite un homme tel que vous,
985Un homme qui se dit un grand foudre de guerre,
Et n’en a vu qu’à coups d’écritoire ou de verre[1] ;
Qui vint hier de Poitiers, et conte, à son retour,
Que depuis une année il fait ici sa cour ;
Qui donne toute nuit festin, musique, et danse,
990Bien qu’il l’ait dans son lit passée en tout silence ;
Qui se dit marié, puis soudain s’en dédit :
Sa méthode est jolie à se mettre en crédit !
Vous-même, apprenez-moi comme il faut qu’on ne nomme.

CLITON, à Dorante.

Si vous vous en tirez, je vous tiens habile homme.

DORANTE, à Cliton.

Ne t’épouvante point, tout vient en sa saison.

(À Clarice.)

De ces inventions chacune a sa raison :
Sur toutes quelque jour je vous rendrai contente ;
Mais à présent je passe à la plus importante :
J’ai donc feint cet hymen (pourquoi désavouer
1000Ce qui vous forcera vous-même à me louer ?) ;
Je l’ai feint, et ma feinte à vos mépris m’expose ;
Mais si de ces détours vous seule étiez la cause ?

CLARICE.

Moi ?

DORANTE.

Moi ?Vous. Écoutez-moi. Ne pouvant consentir…

CLITON, bas, à Dorante.

De grâce, dites-moi si vous allez mentir.

  1. Var. Et n’en a vu qu’à coups d’écritoire et de verre. (1644-63)