La raison le défend, et je sens dans mon âme
Un violent désir de voir ici ta femme.
J’écris donc à son père ; écris-lui comme moi :
Je lui mande qu’après ce que j’ai su de toi,
Je me tiens trop heureux qu’une si belle fille,
Si sage, et si bien née, entre dans ma famille.
J’ajoute à ce discours que je brûle de voir
Celle qui de mes ans devient l’unique espoir ;
Que pour me l’amener tu t’en vas en personne ;
Car enfin il le faut, et le devoir l’ordonne :
N’envoyer qu’un valet sentiroit son mépris.
De vos civilités il sera bien surpris,
Et pour moi, je suis prêt ; mais je perdrai ma peine :
Il ne souffrira pas encor qu’on vous l’amène ;
Elle est grosse.
Elle est grosse !
Et de plus de six mois.
Que de ravissements je sens à cette fois !
Vous ne voudriez pas hasarder sa grossesse ?
Pour hasarder ce gage il m’est trop précieux.
À ce coup ma prière a pénétré les cieux :
Je pense en le voyant que je mourrai de joie.
Adieu : je vais changer la lettre que j’envoie,
En écrire à son père un nouveau compliment,
Le prier d’avoir soin de son accouchement,
Comme du seul espoir où mon bonheur se fonde.