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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/220

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La raison le défend, et je sens dans mon âme
Un violent désir de voir ici ta femme.
1215J’écris donc à son père ; écris-lui comme moi :
Je lui mande qu’après ce que j’ai su de toi,
Je me tiens trop heureux qu’une si belle fille,
Si sage, et si bien née, entre dans ma famille.
J’ajoute à ce discours que je brûle de voir
1220Celle qui de mes ans devient l’unique espoir ;
Que pour me l’amener tu t’en vas en personne ;
Car enfin il le faut, et le devoir l’ordonne :
N’envoyer qu’un valet sentiroit son mépris.

DORANTE.

De vos civilités il sera bien surpris,
1225Et pour moi, je suis prêt ; mais je perdrai ma peine :
Il ne souffrira pas encor qu’on vous l’amène ;
Elle est grosse.

GÉRONTE.

Elle est grosse.Elle est grosse !

DORANTE.

Elle est grosse.Elle est grosse !Et de plus de six mois.

GÉRONTE.

Que de ravissements je sens à cette fois !

DORANTE.

Vous ne voudriez pas hasarder sa grossesse ?

GÉRONTE.

1230Non, j’aurai patience autant que d’allégresse ;
Pour hasarder ce gage il m’est trop précieux.
À ce coup ma prière a pénétré les cieux :
Je pense en le voyant que je mourrai de joie.
Adieu : je vais changer la lettre que j’envoie,
1235En écrire à son père un nouveau compliment,
Le prier d’avoir soin de son accouchement,
Comme du seul espoir où mon bonheur se fonde.