Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

GÉRONTE.

De quel front cependant faut-il que je confesse
Que ton effronterie a surpris ma vieillesse,
Qu’un homme de mon âge a cru légèrement
1540Ce qu’un homme du tien débite impudemment ?
Tu me fais donc servir de fable et de risée,
Passer pour esprit foible, et pour cervelle usée !
Mais dis-moi, te portois-je à la gorge un poignard ?
Voyois-tu violence ou courroux de ma part ?
1545Si quelque aversion t’éloignoit de Clarice,
Quel besoin avois-tu d’un si lâche artifice ?
Et pouvois-tu douter que mon consentement
Ne dût tout accorder à ton contentement,
Puisque mon indulgence, au dernier point venue,
1550Consentoit à tes yeux l’hymen d’une inconnue ?
Ce grand excès d’amour que je t’ai témoigné
N’a point touché ton cœur, ou ne l’a point gagné :
Ingrat, tu m’as payé d’une impudente feinte,
Et tu n’as eu pour moi respect, amour, ni crainte.
Va, je te désavoue.

DORANTE.

1555Va, je te désavoue.Eh ! mon père, écoutez.

GÉRONTE.

Quoi ? des contes en l’air et sur l’heure inventés ?

DORANTE.

Non, la vérité pure.

GÉRONTE.

Non, la vérité pure.En est-il dans ta bouche ?

CLITON, à Dorante.

Voici pour votre adresse une assez rude touche.

DORANTE.

Épris d’une beauté qu’à peine j’ai pu voir[1]
1560Qu’elle a pris sur mon âme un absolu pouvoir,

  1. Var. Épris d’une beauté qu’à peine ai-je pu voir. (1644-56)