De quel front cependant faut-il que je confesse
Que ton effronterie a surpris ma vieillesse,
Qu’un homme de mon âge a cru légèrement
Ce qu’un homme du tien débite impudemment ?
Tu me fais donc servir de fable et de risée,
Passer pour esprit foible, et pour cervelle usée !
Mais dis-moi, te portois-je à la gorge un poignard ?
Voyois-tu violence ou courroux de ma part ?
Si quelque aversion t’éloignoit de Clarice,
Quel besoin avois-tu d’un si lâche artifice ?
Et pouvois-tu douter que mon consentement
Ne dût tout accorder à ton contentement,
Puisque mon indulgence, au dernier point venue,
Consentoit à tes yeux l’hymen d’une inconnue ?
Ce grand excès d’amour que je t’ai témoigné
N’a point touché ton cœur, ou ne l’a point gagné :
Ingrat, tu m’as payé d’une impudente feinte,
Et tu n’as eu pour moi respect, amour, ni crainte.
Va, je te désavoue.
Eh ! mon père, écoutez.
Quoi ? des contes en l’air et sur l’heure inventés ?
Non, la vérité pure.
En est-il dans ta bouche ?
Voici pour votre adresse une assez rude touche.
Épris d’une beauté qu’à peine j’ai pu voir[1]
Qu’elle a pris sur mon âme un absolu pouvoir,
- ↑ Var. Épris d’une beauté qu’à peine ai-je pu voir. (1644-56)