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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/262

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tion de la dame toute une boutique de bijoux. Les mœurs du temps atténuaient un peu l’inconvenance ; mais il est refusé délicatement : on n’agrée que l’offre elle-même. Tout ensuite est traduit, dans l’incident qui termine la scène, l’approche du prétendant de Jacinte, et les derniers compliments adressés à la dame ; de même aussi dans les renseignements rapportés par le valet sur la plus belle des deux[1], nommée Lucrèce, et dans la méprise qui devient la source de toute l’intrigue, le Menteur croyant que ces indications désignent Jacinte-Clarice, tandis que Cliton pencherait pour donner le prix de la beauté à celle qui a su se taire[2], la vraie Lucrèce en effet (même nom dans les deux auteurs). Ce qui suit fait voir comment il arrive à Corneille de charger la plaisanterie jusqu’à heurter la bienséance[3], sans y être invité par son modèle :

TRISTAN.

Pues á mi la que calló
me pareció mas hermosa.

DON GARCÍA.

Qué buen gusto !

TRISTAN.

Qué buen gusto !Es cierta cosa
que no tengo voto yo ;
mas soy tan aficionado
á cualquier mujer que calla,
que bastó, para juzgalla
mas hermosa, haber callado.

VI.

D’ici à la fin de notre acte premier, il faudrait transcrire presque entièrement les deux textes en regard l’un de l’autre. L’Alcippe espagnol s’appelle don Juan de Sosa ; son ami Philiste, don Felix : ce sont d’anciens camarades d’université. Alarcon n’oublie pas de placer un mot sur la nouvelle tenue dans laquelle ils voient Garcia et qui annonce un changement d’état. Sauf cette fidélité de détails, qui a bien son prix, Corneille, suivant à peu près tout le dialogue, fait une excellente étude d’artifice scénique, et ensuite un vrai chef-d’œuvre de description à l’instar de l’élégante fête espagnole. Celle-ci, fort curieuse, ne fût-ce que pour la couleur locale de son ordonnance, est surpassée encore par l’esprit et la verve qui animent le tableau de ce qu’était une fête parisienne vers la même époque. Les cinq ba-

  1. Acte I, scène iv, vers 197.
  2. Ibidem, vers 209.
  3. Voyez ibidem, vers 205 et suivants.