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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/261

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ne s’entend guère, ou c’est une préparation trop artificielle à l’histoire qu’il va faire de son servage incognito depuis une année.

C’est du reste la même conduite de dialogue ; mais la fable de l’ancien héros des guerres d’Allemagne, inventée par Corneille d’une manière brillante[1], est dans l’espagnol celle d’un créole péruvien, réputé d’avance très-opulent. Cette ressource romanesque était fort naturelle dans les conditions de l’Espagne d’alors. Mais il y a plus de couleur et de richesse dans la versification de Corneille. Comparez à sa traduction amplifiée ces vers :

JACINTA.

Como, si jamás os vi ?

DON GARCÍA.

Tan poco ha valido, ay Dios !
mas de un año, que por vos
he andado fuera de mí ?

TRISTAN, á parte.

Un año ! y ayer llegó
á la corte !

JACINTA.

á la corte !Bueno á fe !
Mas de un año ! Juraré
que no os vi en mi vida yo.

DON GARCÍA.

Cuando del indiano suelo
por mi dicha llegué aquí,
la primer cosa que ví
fué la gloria de ese cielo.
Y aunque os entregué al momento
el alma, habéislo ignorado,
porque ocasion me ha faltado
de deciros lo que siento

Tristan se récrie encore : Indiano ! Mais Corneille prête à son valet des interruptions en aparté, qu’il adresse à son maître comme pour le rappeler au bon sens au travers de ses fictions. Ce jeu comique est reproduit dans les actes suivants et provoque des rires fréquents. Une négligence de style dans l’Examen du Menteur ferait croire que c’est en copiant Alarcon que notre poëte a forcé son aversion pour les aparté[2], tandis que ceux-ci du moins lui appartiennent exclusivement, comme plus loin ce mot plaisant :

« De grâce, dites-moi si vous allez mentir[3]. »

Le faux nabab américain soutient son rôle en offrant à la discré-

  1. Acte I, scène iii, vers 153 et suivants.
  2. Voyez ci-dessus, p. 137.
  3. Acte III, scène v, vers 1004.