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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/299

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EXAMEN.


L’effet de celle-ci n’a pas été[1] si avantageux que celui de la précédente, bien qu’elle soit mieux écrite. L’original espagnol est de Lope de Végue sans contredit[2], et a ce défaut que ce n’est que le valet qui fait rire, au lieu qu’en l’autre les principaux agréments sont dans la bouche du maître. L’on a pu voir par les divers succès quelle différence il y a entre les railleries spirituelles d’un honnête homme de bonne humeur, et les bouffonneries froides d’un plaisant à gages. L’obscurité que fait en celle-ci le rapport à l’autre a pu contribuer quelque chose à sa disgrâce, y ayant beaucoup de choses qu’on ne peut entendre, si l’on n’a l’idée présente du Menteur. Elle a encore quelques défauts particuliers. Au second acte[3], Cléandre raconte à sa sœur la générosité de Dorante qu’on a vue au premier, contre la maxime qu’il ne faut jamais faire raconter ce que le spectateur a déjà vu. Le cinquième est trop sérieux pour une pièce si enjouée, et n’a rien de plaisant que la première scène entre un valet et une servante. Cela plaît si fort en Espagne, qu’ils font souvent parler bas les amants de condition, pour donner lieu à ces sortes de gens de s’entre-dire des badinages ; mais en France, ce n’est pas le goût de l’auditoire. Leur entretien est plus supportable au premier acte, cepen-

  1. Dans les éditions publiées du vivant de Corneille, cet examen suit celui du Menteur, qui finit par ces mots : « la comédie se termine avec pleine tranquillité de tous côtés. » Thomas Corneille, qui dans l’édition de 1692 a placé les examens après chaque pièce, a ainsi modifié la première phrase de celui-ci. « L’effet de cette pièce n’a pas été, etc. » Voyez tome I, p. 137, note 1.
  2. Voyez l’Appendice ; et ci-dessus, la Notice du Menteur, P. 119.
  3. Voyez acte II, scène ii.