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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/34

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qu’on appelle aujourd’hui Damiette, et César prit terre à Alexandrie. Je n’ai nommé ni l’une ni l’autre ville, de peur que le nom de l’une n’arrêtât l’imagination de l’auditeur, et ne lui fît remarquer malgré lui la fausseté de ce qui s’est passé ailleurs. Le lieu particulier est, comme dans Polyeucte, un grand vestibule commun à tous les appartements du palais royal ; et cette unité n’a rien que de vraisemblable, pourvu qu’on se détache de la vérité historique. Le premier, le troisième et le quatrième acte y ont leur justesse manifeste ; il y peut avoir quelque difficulté pour le second et le cinquième, dont Cléopatre ouvre l’un, et Cornélie l’autre. Elles sembleroïent toutes deux avoir plus de raison de parler dans leur appartement ; mais l’impatience de la curiosité féminine les en peut faire sortir : l’une pour apprendre plus tôt les nouvelles de la mort de Pompée, ou par Achorée, qu’elle a envoyé en être témoin, ou par le premier qui entrera dans ce vestibule ; et l’autre, pour en savoir du combat de César et des Romains contre Ptolomée et les Égyptiens, pour empêcher que ce héros n’en aille donner[1] à Cléopatre avant qu’à elle, et pour obtenir de lui d’autant plus tôt la permission de partir. En quoi on peut remarquer que comme elle sait qu’il est amoureux de cette reine, et qu’elle peut douter qu’au retour de son combat, les trouvant ensemble, il ne lui fasse le premier compliment, le soin qu’elle a de conserver la dignité romaine lui fait prendre la parole la première, et obliger par là César à lui répondre avant qu’il puisse dire rien à l’autre.

Pour le temps, il m’a fallu réduire en soulèvement tumultuaire une guerre qui n’a pu durer guère moins d’un an, puisque Plutarque rapporte qu’incontinent

  1. Var. (édit. de 1660-1664) : pour empêcher qu’il n’en aille donner.