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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/350

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DORANTE.

Nomme-les par leur nom, dis de mes imprudences.
885Mais seroit-ce en effet celle que tu me dis ?

CLITON.

Envoyez vos portraits à de tels étourdis :
Ils gardent un secret avec extrême adresse.
C’est sa femme, vous dis-je, ou du moins sa maîtresse :
Ne l’avez-vous pas vu tout changé de couleur ?

DORANTE.

890Je l’ai vu, comme atteint d’une vive douleur,
Faire de vains efforts pour cacher sa surprise.
Son désordre, Cliton, montre ce qu’il déguise :
Il a pris un prétexte à sortir promptement,
Sans se donner loisir d’un mot de compliment.

CLITON.

895Qu’il fera dangereux rencontrer sa colère !
Il va tout renverser si l’on le laisse faire,
Et je vous tiens pour mort si sa fureur se croit[1] ;
Mais surtout ses valets peuvent bien marcher droit :
Malheureux le premier qui fâchera son maître !
900Pour autres cent louis je ne voudrois pas l’être.

DORANTE.

La chose est sans remède ; en soit ce qui pourra :
S’il fait tant le mauvais, peut-être on le verra.
Ce n’est pas qu’après tout, Cliton, si c’est sa femme,
Je ne sache étouffer cette naissante flamme :
905Ce seroit lui prêter un fort mauvais secours
Que lui ravir l’honneur en conservant ses jours[2] ;
D’une belle action j’en ferais une noire.
J’en ai fait mon ami, je prends part à sa gloire[3] ;

  1. Il y a croit, sans accent et sans s, dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille et dans celle de 1692. Voltaire (1764) a donné croît.
  2. Var. De lui ravir l’honneur en conservant ses jours. (1645-56)
  3. Var. J’en ai fait mon ami, j’ai part dedans sa gloire ;
    Et je ne voudrois pas qu’on me pût reprocher. (1645-56)