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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/351

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Et je ne voudrois pas qu’on pût me reprocher
910De servir un brave homme au prix d’un bien si cher.

CLITON.

Et s’il est son amant ?

DORANTE.

Et s’il est son amant ?Puisqu’elle me préfère,
Ce que j’ai fait pour lui vaut bien qu’il me défère ;
Sinon, il a du cœur, il en sait bien les lois,
Et je suis résolu de défendre son choix.
915Tandis, pour un moment trêve de raillerie,
Je veux entretenir un peu ma rêverie.

(Il prend le portrait de Mélisse.)


Merveille qui m’as enchanté,
Portrait à qui je rends les armes,
As-tu bien autant de bonté
920Comme tu me fais voir de charmes ?
Hélas ! au lieu de l’espérer,
Je ne fais que me figurer
Que tu te plains à cette belle,
Que tu lui dis mon procédé,
925Et que je te fus[1] infidèle
Sitôt que je t’eus possédé.

Garde mieux le secret que moi,
Daigne en ma faveur te contraindre :
Si j’ai pu te manquer de foi[2],
930C’est m’imiter que de t’en plaindre.
Ta colère en me punissant
Te fait criminel d’innocent ;
Sur toi retombent les vengeances[3]

  1. L’édition de 1656 porte : « je te suis, » pour : « je te fus. »
  2. Var. Si je t’ai pu manquer de foi. (1645-56)
  3. Var. Sur toi retombent tes vengeances… (1645)
    Var. Sur toi retombent des vengeances… (1648-56)…