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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/396

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Mais je découvre enfin l’adresse de vos coups :
1760Vous parlez pour Philiste, et vous faites pour vous ;
Vos dames de Paris vous rappellent vers elles[1] ;
Nos provinces pour vous n’en ont point d’assez belles.
Si dans votre prison vous avez fait l’amant,
Je ne vous y servois que d’un amusement.
1765À peine en sortez-vous que vous changez de style :
Pour quitter la maîtresse il faut quitter la ville.
Je ne vous retiens plus, allez.

DORANTE.

Je ne vous retiens plus, allez.Puisse à vos yeux
M’écraser à l’instant la colère des cieux,
Si j’adore autre objet que celui de Mélisse,
1770Si je conçois des vœux que pour votre service,
Et si pour d’autres yeux on m’entend soupirer,
Tant que je pourrai voir quelque lieu d’espérer !
Oui, Madame, souffrez que cette amour persiste
Tant que l’hymen engage ou Mélisse ou Philiste.
1775Jusque-là les douceurs de votre souvenir
Avec un peu d’espoir sauront m’entretenir :
J’en jure par vous-même, et ne suis pas capable
D’un serment ni plus saint ni plus inviolable.
Mais j’offense Philiste avec un tel serment ;
1780Pour guérir vos soupçons je nuis à votre amant.
J’effacerai ce crime avec cette prière :
Si vous devez le cœur à qui vous sauve un frère,
Vous ne devez pas moins au généreux secours
Dont tient le jour celui qui conserva ses jours.
1785Aimez en ma faveur un ami qui vous aime,
Et possédez Dorante en un autre lui-même.
Adieu : contre vos yeux c’est assez combattu ;
Je sens à leurs regards chanceler ma vertu ;

  1. Var. Vos dames de Paris vous appellent vers elles. (1645-56)