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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/400

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PHILISTE.

Un ami tel que vous n’en mérite point d’autre :
1850Je vous dis mon secret, vous me cachez le vôtre,
Et vous ne craignez point d’irriter mon courroux,
Lorsque vous me jugez moins généreux que vous !
Vous pouvez me céder un objet qui vous aime ;
Et j’ai le cœur trop bas pour vous traiter de même,
1855Pour vous en céder un à qui l’amour me rend,
Sinon trop mal voulu, du moins indifférent.
Si vous avez pu naître et noble et magnanime,
Vous ne me deviez pas tenir en moindre estime ;
Malgré notre amitié, je m’en dois ressentir :
1860Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir.

CLÉANDRE.

Vous prenez pour mépris son trop de déférence,
Dont il ne faut tirer qu’une pleine assurance
Qu’un ami si parfait, que vous osez blâmer,
Vous aime plus que lui, sans vous moins estimer.
1865Si pour lui votre foi sert aux juges d’otage,
Permettez qu’auprès d’eux la mienne la dégage,
Et sortant du péril d’en être inquiété,
Remettez-lui, Monsieur, toute sa liberté ;
Ou si mon mauvais sort vous rend inexorable,
1870Au lieu de l’innocent arrêtez le coupable :
C’est moi qui me sus hier sauver sur son cheval,
Après avoir donné la mort à mon rival.
Ce duel fut l’effet de l’amour de Climène,
Et Dorante sans vous se fût tiré de peine,
1875Si devant le prévôt son cœur trop généreux
N’eût voulu méconnoître un homme malheureux.

PHILISTE.

Je ne demande plus quel secret a pu faire
Et l’amour de la sœur et l’amitié du frère :
Ce qu’il a fait pour vous est digne de vos soins.