Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles qui l’ont précédée, à cause des incidents surprenants qui sont purement de mon invention, et n’avoient jamais été vus au théâtre ; et peut-être enfin y a-t-il un peu de vrai mérite qui fait que cette inclination n’est pas tout à fait injuste[1]. Je veux bien laisser chacun en liberté de ses sentiments ; mais certainement on peut dire que mes autres pièces ont peu d’avantages qui ne se rencontrent en celle-ci : elle a tout ensemble la beauté du sujet, la nouveauté des fictions, la force des vers, la facilité de l’expression, la solidité du raisonnement, la chaleur des passions, les tendresses de l’amour et de l’amitié ; et cet heureux assemblage est ménagé de sorte qu’elle s’élève d’acte en acte. Le second passe le premier, le troisième est au-dessus du second, et le dernier l’emporte sur tous les autres. L’action y est une, grande, complète ; sa durée ne va point, ou fort peu, au-delà de celle de la représentation[2]. Le jour en est le plus illustre qu’on puisse imaginer[3], et l’unité de lieu s’y rencontre en la manière que je l’explique dans le troisième de mes discours[4], et avec l’indulgence que j’ai demandée pour le théâtre.

Ce n’est pas que je me flatte assez pour présumer qu’elle soit sans taches. On a fait tant d’objections contre

  1. « Peut-être préféroit-il Rodogune parce qu’elle lui avoit extrêmement coûté ; car il fut plus d’un an à disposer le sujet. » (Fontenelle, Œuvres, tome III, p. 105.)
  2. Voyez le Discours des trois unités, tome I, p. 113. — Les éditions de 1660 et de 1663 omettent toutes deux les mots : « dans le troisième de ces discours, » et ont la variante fautive que voici : « que je la viens de l’expliquer. » Faut-il lire : « que je la viens d’expliquer, » ou « que je viens de l’expliquer ? » — Dans l’impression de 1660, comme dans celles de 1664, 1668 et 1682, le troisième discours, ou Discours des trois unités, est placé en tête du volume qui contient Rodogune ; mais dans l’édition de 1663 (in-fol.) il est à la fin.
  3. Voyez le Discours des trois unités, tome I, p. 116 et 117.
  4. Voyez ibidem, tome I, p. 118 et 121.