Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/45

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Sa retraite chez vous en effet n’est qu’un crime :
90Elle marque sa haine, et non pas son estime ;
Il ne vient que vous perdre en venant prendre port ;
Et vous pouvez douter s’il est digne de mort !
Il devoit mieux remplir nos vœux et notre attente,
Faire voir sur ses nefs la victoire flottante :
95Il n’eût ici trouvé que joie et que festins ;
Mais puisqu’il est vaincu, qu’il s’en prenne aux destins.
J’en veux à sa disgrâce, et non à sa personne :
J’exécute à regret ce que le ciel ordonne ;
Et du même poignard pour César destiné,
100Je perce en soupirant son cœur infortuné.
Vous ne pouvez enfin qu’aux dépens de sa tête
Mettre à l’abri la vôtre et parer la tempête.
Laissez nommer sa mort un injuste attentat :
La justice n’est pas une vertu d’État.
105Le choix des actions ou mauvaises ou bonnes
Ne fait qu’anéantir la force des couronnes ;
Le droit des rois consiste à ne rien épargner :
La timide équité détruit l’art de régner.
Quand on craint d’être injuste, on a toujours à craindre ;
110Et qui veut tout pouvoir doit oser tout enfreindre,
Fuir comme un déshonneur la vertu qui le perd,
Et voler sans scrupule au crime qui lui sert[1].
C’est là mon sentiment. Achillas et Septime
S’attacheront peut-être à quelque autre maxime :
115Chacun a son avis ; mais quel que soit le leur.
Qui punit le vaincu ne craint point le vainqueur[2].

ACHILLAS.

Seigneur, Photin dit vrai ; mais quoique de Pompée[3]

  1. Var. Et voler sans scrupule au crime qui le sert. (1644-64)
  2. Var. Qui frappe le vaincu ne craint point le vainqueur. (1644-56)
  3. Var. Sire, Photin dit vrai ; mais quoique de Pompée. (1644-63)