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Scène IV.

LAONICE, TIMAGÈNE.
LAONICE.

Peut-on plus dignement mériter la couronne ?

TIMAGÈNE.

Je ne suis point surpris de ce qui vous étonne :
Confident de tous deux, prévoyant leur douleur,
J’ai prévu leur constance, et j’ai plaint leur malheur ;
215Mais, de grâce, achevez l’histoire commencée[1].

LAONICE.

Pour la reprendre donc où nous l’avons laissée,
Les Parthes, au combat par les nôtres forcés,
Tantôt presque vainqueurs, tantôt presque enfoncés,
Sur l’une et l’autre armée, également heureuse,
220Virent longtemps voler la victoire douteuse ;
Mais la fortune enfin se tourna contre nous,
Si bien qu’Antiochus, percé de mille coups,
Près de tomber aux mains d’une troupe ennemie,
Lui voulut dérober les restes de sa vie,
225Et préférant aux fers la gloire de périr,
Lui-même par sa main acheva de mourir.
La Reine ayant appris cette triste nouvelle,
En reçut tôt après une autre plus cruelle :
Que Nicanor vivoit ; que sur un faux rapport,
230De ce premier époux elle avoit cru la mort ;
Que piqué jusqu’au vif contre son hyménée,
Son âme à l’imiter s’étoit déterminée,
Et que, pour s’affranchir des fers de son vainqueur,
Il alloit épouser la Princesse sa sœur.
235C’est cette Rodogune où l’un et l’autre frère

  1. Var. Mais, de grâce, achevons l’histoire commencée. (1647-56)