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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/458

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Quand en votre faveur je semblois la trahir,
Peut-être qu’en son cœur plus douce et repentie
340Elle en dissimuloit la meilleure partie ;
Que se voyant tromper elle fermoit les yeux,
Et qu’un peu de pitié la satisfaisoit mieux[1].
À présent que l’amour succède à la colère,
Elle ne vous voit plus qu’avec des yeux de mère ;
345Et si de cet amour je la voyois sortir,
Je jure de nouveau de vous en avertir :
Vous savez comme quoi je vous suis tout acquise.
Le Roi souffriroit-il d’ailleurs quelque surprise ?

RODOGUNE.

Qui que ce soit des deux qu’on couronne aujourd’hui,
350Elle sera sa mère, et pourra tout sur lui.

LAONICE.

Qui que ce soit des deux, je sais qu’il vous adore :
Connoissant leur amour, pouvez-vous craindre encore ?

RODOGUNE.

Oui, je crains leur hymen, et d’être à l’un des deux.

LAONICE.

Quoi ? sont-ils des sujets indignes de vos feux ?

RODOGUNE.

355Comme ils ont même sang avec pareil mérite[2],
Un avantage égal pour eux me sollicite ;
Mais il est malaisé, dans cette égalité[3],
Qu’un esprit combattu ne penche d’un côté.
Il est des nœuds secrets, il est des sympathies
360Dont par le doux rapport les âmes assorties
S’attachent l’une à l’autre et se laissent piquer
Par ces je ne sais quoi qu’on ne peut expliquer[4].

  1. Var. Et qu’ainsi ma pitié la satisfaisoit mieux. (1647-56)
  2. Var. Quoique égaux en naissance et pareils en mérite. (1647-56)
  3. Var. Il est bien malaisé, dans cette égalité, (1647-56)
  4. Voyez tome II, p. 308 et 309, et ci-dessus, p. 409.