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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/462

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Dont la haine à son tour croit me faire la loi,
Et régner par mon ordre et sur vous et sur moi.
Tu m’estimes bien lâche, imprudente rivale,
420Si tu crois que mon cœur jusque-là se ravale,
Qu’il souffre qu’un hymen qu’on t’a promis en vain,
Te mette ta vengeance et mon sceptre à la main.
Vois jusqu’où m’emporta l’amour du diadème ;
Vois quel sang il me coûte, et tremble pour toi-même :
425Tremble, te dis-je ; et songe, en dépit du traité[1],
Que pour t’en faire un don je l’ai trop acheté.


Scène II.

CLÉOPATRE, LAONICE.
CLÉOPATRE.

Laonice, veuxs-tu que le peuple s’apprête
Au pompeux appareil de cette grande fête ?

LAONICE.

La joie en est publique, et les princes tous deux[2]
430Des Syriens ravis emportent tous les vœux :
L’un et l’autre fait voir un mérite si rare,
Que le souhait confus entre les deux s’égare ;
Et ce qu’en quelques-uns on voit d’attachement
N’est qu’un foible ascendant d’un premier mouvement.
435Ils penchent d’un côté, prêts à tomber de l’autre :
Leur choix pour s’affermir attend encor le vôtre ;
Et de celui qu’ils font ils sont si peu jaloux,
Que votre secret su les réunira tous.

CLÉOPATRE.

Sais-tu que mon secret n’est pas ce que l’on pense ?

  1. Var. Je l’ai trop acheté pour t’en faire un présent ;
    Crains tout ce qu’on peut craindre en te désabusant, (1647-56)
  2. Var. Oui, Madame, avec joie, et les princes tous deux. (1647-56)